On me demande aujourd’hui comment enseigner les contes en maternelle. C’est une question que je trouve intéressante. Personnellement, j’aime beaucoup enseigner les contes traditionnels, j’y prends beaucoup de plaisir, car les contes ont une profondeur qui les rend plus intéressants que bien des albums de jeunesse.
Il se trouve que j’ai étudié les Contes de Charles Perrault en khâgne. Cela m’a rendu sensible à leur subtilité, à leur double lecture (pour les enfants/pour les adultes), aux ajouts de Perrault à la tradition orale, aux références à la société du XVIIe siècle et notamment à la Cour de Louis XIV. J’ai lu des ouvrages de Marc Soriano et de Bruno Bettelheim sur les Contes de Perrault. Tout cela explique le plaisci que j’ai à les enseigner, en maternelle comme en élémentaire.
La littérature en maternelle

La collègue qui me demandait des précisions voulait savoir comment s’organiser sur l’année dans le cadre d’un quadruple niveau TPS-PS-MS-GS. Je pense qu’il est important de faire vivre la classe en tant que groupe, en leur proposant des histoires communes. Ce sont ensuite les ateliers qui vont permettre de différencier de façon simple et naturelle. Et bien sûr, il convient de ne pas attendre le même degré de compréhension de la part d’enfants de 2 ans et d’enfants de 5 ans.
Très souvent, j’observe que la littérature en maternelle donne lieu à des activités de reconnaissance de l’écrit qui s’apparentent à de la lecture globale, alors que les recommandations ministérielles concernant la lecture insistent sur l’importance d’une méthode syllabique. En maternelle, on n’enseigne pas encore les correspondances grapho-phonologiques de façon systématique (c’est le travail du CP), mais on prépare ces activités à travers des séances dites de « phono », portant sur les syllabes, les attaques, les finales (rimes), etc. À côté de ce travail d’étude de la langue, les séances de littérature portent sur la compréhension des albums, contes, etc. On peut tout à fait apprendre aux élèves à identifier les différentes parties d’une couverture (titre, auteur, illustrateur, etc.), mais en revanche, très souvent, il est demandé aux élèves de remettre des mots dans l’ordre, sans qu’ils soient capables de les lire, ce qui suppose une reconnaissance globale de ces mots. Il vaut mieux séparer la compréhension et la phono, et ne pas ruiner le plaisir de la découverte par des batteries d’exercices dont on se demande parfois ce que les élèves apprennent en les faisant.
Proposition de progression sur l’année
Période 1: Boucle d’or
Un conte répétitif, facile à mettre en oeuvre en début d’année scolaire. On peut travailler sur petit/grand, sur le lexique de la vaisselle et du mobilier, sur les phrases répétitives, les personnages et les étapes de l’histoire (remise en ordre des images). Un moment important et un peu magique, c’est de permettre aux enfants de « vivre » l’histoire avec une grande dégustation de chocolat chaud. L’occasion de faire pratiquer les mots tels que bol, cuiller, etc. On pensera également à mettre à profit la salle de motricité pour « jouer » l’histoire. Un atelier peut également avoir lieu dans le coin dînette, qui n’est pas seulement un espace ludique et peut aussi être le lieu d’apprentissages.
Période 2 : Les Trois Petits Cochons
Un conte également assez facile à comprendre. Une activité sympa, c’est l’affiche légendée du loup. Les enfants collent du papier crépon sur l’affiche pour figurer les poils du loup. Ensuite, il importe de « vivre » l’histoire pour de vrai, avec des constructions en paille, en bois et en briques. Les élèves adorent jouer aux petits maçons. Seul bémol, les briques rouges ne sont pas faciles à trouver dans certaines régions, sauf à en commander en grandes quantités : il faut voir si certains collègues ou parents d’élèves n’en auraient pas. Là encore, l’histoire peut être « jouée » dans la salle de motricité. Ce conte se prête également au conte codé.
Période 3 : le Petit Chaperon Rouge
Un grand classique, mais beaucoup d’élèves n’en ont jamais entendu parler. Ce conte est idéal pour les tapis de contes, il peut aussi se prêter au conte codé. Il existe également des marionnettes pour jouer l’histoire. Les enfants pourraient également fabriquer des masques pour incarner les différents personnages. Généralement, les élèves retiennent par cœur les phrases répétitives. On peut également jouer sur les parties du corps en ajoutant des phrases (« Que tu as de grands genoux… »). Une activité riche consiste à comparer différentes éditions du conte, les choix des illustrateurs, les fins alternatives… Dans la version de Charles Perrault, le loup mange le Petit Chaperon Rouge, et la situation n’est pas sauvée par l’intervention inespérée d’un chasseur.
Période 4 : le Petit Poucet
Un grand classique de Perrault, un peu plus résistant que les contes précédents, ce qui permet de rendre les choses progressives et de s’assurer que les élèves les plus âgés soient suffisamment nourris, tout en laissant de la place pour des activités plus simples pour les plus jeunes. Là encore, on peut « vivre » l’histoire en semant des cailloux blancs. Le tapis de conte ou plan de récit est plus complexe mais réalisable. Mimer l’histoire en motricité semble indispensable. En atelier, on peut enregistrer les élèves racontant tout ou partie de l’histoire (autorisations à demander aux parents). On peut aussi mettre en place le tour de cercle : les élèves assis en ronde doivent se partager le récit de l’histoire, de manière à ce que l’histoire soit terminée quand la parole a fait le tour du cercle.
Période 5 : Cendrillon / Blanche Neige / …
On pourrait choisir pour la période 5 des contes un peu plus résistants, mais que l’on pourrait travailler en s’appuyant sur les films d’animation de Disney. Ces dessins animés assez anciens sont parfois inconnus des élèves, aussi inconcevable que cela puisse paraître. Cela permettrait de travailler la compréhension fine, avec de très nombreux arrêts sur images, et des séquences de quelques minutes à la fois. Poser des questions larges et ouvertes, comme « Quels sont les personnages présents dans cet extrait ? », « Que ressent le perso [nnage à ce moment ? », « Que pourrait-il se passer ensuite ? ». Les ateliers permettraient ensuite de revenir sur le vocabulaire, les images (impressions d’écran à remettre dans l’ordre)… Bref, une séquence cinéclub tout aussi sérieuse que les autres séquences de l’année, mais peut être plus détendue et agréable pour les chaudes semaines de juin.
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J’espère que ces quelques pistes brossées à gros traits pourront éclairer les enseignants, que j’invite également à consulter les liens ci-dessous car j’y explique ce qu’est un tapis de conte, un conte codé, etc. J’espère que cela plaira aussi à tous ceux qui s’intéressent aux contes et à leur transmission de génération en génération.
À consulter
- Comment enseigner les classiques de littérature ?
- Comment faire pour que les élèves comprennent ce qu’ils lisent ?
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