Il faut voir une anthologie comme un bouquet de fleurs. L’étymologie y invite, et cela correspond à la pratique du lecteur, qui butine tel un papillon d’un poème à l’autre, loin d’avoir une lecture linéaire. C’est donc un très beau thème pour un recueil collectif que « fleurir l’hiver », choisi par Emanuela Rizzo et Luca Ariano. Une anthologie en langue italienne à laquelle j’ai eu l’honneur de participer.
Fleurir l’hiver
C’est tout un programme qui est contenu dans ce titre, Fiorire l’inverno, fleurir l’hiver. On peut y voir, tout d’abord, une attention portée à la nature et aux saisons. Cet intérêt pour la nature est certes traditionnel dans l’histoire de la poésie, mais il n’en est pas moins nécessaire, particulièrement aujourd’hui où, même si l’écologie devient un thème majeur, nous sommes relativement déconnectés de la nature.
Il est intéressant aussi de s’intéresser à l’hiver, saison dont l’attrait ne va pas de soi, et qui a pourtant bien des beautés à révéler pour qui sait les contempler, notamment les fleurs d’hiver.
Mais on peut aussi voir dans cet infinitif une volonté programmatique, une nécessité de fleurir l’hiver. On peut alors considérer cette saison comme une métaphore de nos temps troublés par tant de maux (citons, en vrac, les menaces terroristes diverses et variées, la guerre qui sévit en Europe même, la crise sanitaire, et j’en passe). Nous vivrions un « hiver », et le pire n’est sans doute pas encore advenu. Cependant, il convient de ne pas baisser les bras. Dans la nécessité impérieuse de « fleurir l’hiver », il y a une forme de résistance, de résilience, l’idée que c’est dans les moments les plus difficiles peut-être que la poésie a le plus son mot à dire.
Dans la Gazzetta dell’Emilia, le journal local de la région où vit Emanuela Rizzo, la poétesse explique que le projet « Fiorire l’inverno » est aussi, au départ, une façon de dépasser la souffrance du deuil. Elle a créé sur les réseaux sociaux le hashtag #fiorirelinverno à la suite de la mort de son propre père, et voit dans cette initiative une façon de rendre hommage à un amoureux des fleurs.
« Il più recente hashtag da me creato è stato #fiorirelinverno, creato dopo che mio padre aveva lasciato per sempre i giardini di questa terra per rendere più belli quelli del cielo. Visto che mi aveva lasciato in eredità il suo amore per la natura e per i giardini, ne ho costruito uno tutto mio insieme a mio marito Hosè Pandelli, paziente realizzatore anche dei video di lettura durante il lockdown. Io mi sono dedicata personalmente e in particolare ai fiori, per me simbolo di bellezza e mistero più grande dell’amore di Dio. Dal far rifiorire il giardino sono passata a far rifiorire la mia vita, dopo il gelo invernale che l’aveva attraversata e ho reclutato seguaci resilienti che si esprimessero in versi. Quindi io e Luca Ariano abbiamo deciso di curare l’antologia Fiorire l’inverno che uscirà a breve. »
« Plus récemment, j’ai créé le hashtag #fiorirelinverno, après que mon père a quitté pour toujours les jardins de cette terre pour rendre plus beaux ceux qui se trouvent au ciel. J’ai reçu en héritage de mon père son amour pour la nature, et c’est pourquoi j’ai construit un jardin qui soit tout à moi, avec mon mari Hosè Pandelli, qui est aussi le patient réalisateur des vidéos de lecture pendant le confinement. Je me suis plus particulièrement attachée aux fleurs, qui sont pour moi un symbole de beauté et du grand mystère de l’amour de Dieu. J’ai commencé par faire refleurir mon jardin, et j’en suis venue à faire refleurir ma vie, après l’hiver glacé qui l’avait traversée. J’ai recruté des disciples résilients qui s’expriment en vers. C’est ainsi que, Luca Ariano et moi, nous avons décidé de publier cette anthologie Fleurir l’hiver qui sortira prochainement. »
Propos recueillis dans la Gazette de l’Émilie, traduction personnelle.
Les responsables de cette anthologie
Ce n’est pas la première fois que je vous parle d’elle. Emanuela Rizzo, autrice d’un recueil intitulé Cuori di fico d’India (littéralement, Cœurs de figuiers de Barbarie), ainsi que d’un livre d’aphorismes (Aforismi), est une poétesse italienne qui a beaucoup œuvré, pendant le confinement, à maintenir du lien à travers la poésie, en lisant des poèmes sur les réseaux. Elle m’a invité à présenter mon recueil, alors fraîchement paru, dans le cadre d’un festival du livre virtuel. Poète et passeuse de poésie, elle m’a généreusement proposé de participer à cette anthologie, et je l’en remercie vivement. Dans un article précédent, je vous présentais Emanuela Rizzo, en citant quelques-uns de ses poèmes. Un peu plus tard, je traduisais un autre de ses poèmes, lu sur les réseaux et qui a eu l’heur de me toucher. Enfin, j’ai mis en voix ma traduction du poème « Ma terrasse est au Sud ».
Luca Ariano, lui aussi poète parmesan, a publié six recueils de poésie depuis 1999. Il est le directeur de la collection « Poesia Lab » où sera éditée cette anthologie, au sein des éditions Bertoni.
Le poète et critique Alessio Zanichelli a écrit la préface de l’anthologie, où il souligne la force de résilience de la poésie, comparée à cet art japonais de réparer des vases cassés avec de l’or.
Parmi les poètes participants, je connais aussi Marilyne Bertoncini, poète niçoise qui entretient des rapports d’amitié très forts avec l’Italie, et qui a publié plusieurs recueils en collaboration avec des poètes italiens. Vous trouverez sur son blog Minotaur/a le texte de sa participation à l’anthologie.
Vous reconnaîtrez également, dans la liste des auteurs, le nom d’Élizabeth Guyon-Spennato, dont j’ai déjà évoqué le travail poétique dans les colonnes de ce blog, ainsi que le parcours singulier, puisque cette poète italienne polyglotte, qui parle parfaitement français, chinois et persan, a vécu en Chine et à Taïwan, et s’est également intéressée à l’Iran, où elle a beaucoup voyagé, et d’où elle a ramené de sublimes portraits photographiques.
Ma propre contribution évoque l’hibiscus qui a fleuri en plein hiver dans mon appartement, teintant de ses couleurs vives la saison froide. Cela a été sa dernière fleur, le buisson est mort quelques semaines plus tard.
Une présentation à la bibliothèque de Parme
Cette anthologie paraîtra le 5 février prochain, et sera présentée à la bibliothèque de Parme le dimanche 11 février 2024 par ses deux maîtres d’œuvre, Emanuela Rizzo et Luca Ariano. L’anthologie peut être commandée auprès des éditions Bertoni à l’adresse électronique suivante : ordini@bertonieditore.com.

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