Cette suite de poèmes dénonce la multiplication des guet-apens homophobes qui ont eu lieu ces derniers jours. En l’espace de seulement quelques jours, la presse a rapporté plusieurs histoires tristement semblables, d’une violence insupportable. Ces poèmes sont là pour le rappeler. Ils s’inscriront au sein de mon prochain recueil.
Il se promenait dans les rues de Grenoble
Avec l’insouciance d’un enfant de quinze ans
Il se promenait dans les rues de Grenoble
Le pas tranquille, des idées plein la tête, en rêvant.
Cinq jeunes se sont lentement approchés,
Ils n’avaient pas l’air bien dangereux,
Pourtant ils l’ont brutalement attrapé,
Et dans une cave sombre ont entraîné le malheureux.
Et c’est là, à l’abri des regards,
Qu’ils l’ont roué de coups, frappé
Du poing et du pied, avec une barre
De fer, sous un flot d’injures démesuré.
Le jeune homme n’avait eu aucun mal
À reconnaître parmi les ravisseurs
Son propre cousin mué en monstre infernal
En tortionnaire pendant plus d'une heure.
*
Il sortait d'une salle de concert lyonnaise
Avec son petit ami. Ils étaient joyeux,
Festifs, insouciants, naïfs, à l'aise,
Si bien qu'ils firent ce que fait un couple heureux :
Ils se sont tendrement embrassés sur les lèvres.
Un homme a alors bondi et leur a soudain
Défoncé le crâne, et le visage, et les mains
Qu'ils brandissaient pour se protéger.
La violence fut telle, et la commotion cérébrale
Si douloureuse, que l'un des deux jeunes gens,
Perdit totalement la mémoire de ce triste événement,
Tandis que l'autre put en témoigner précisément.
C'est avec un gros sac rempli d'objets lourds en métal
Que furent portés ces coups de rage et de haine.
Imaginez un peu le désarroi total
De ces deux jeunes gens, leur douleur et leur peine.
*
C'était la fin de la nuit,
Place Stanislas à Nancy,
Une belle nuit d'avril,
Où, pour tuer l'ennui,
Il avait dansé jusqu'à l'aube,
Il s'était trémoussé sur les airs à la mode,
Sans se douter qu'au sortir de la boîte,
Plusieurs individus flânaient sans hâte.
Ils l'accostent, ils le frappent,
C'est un véritable passage à tabac,
Ils sont une dizaine, à cet endroit,
Acharnés sur lui, puis le laissent, inconscient, là.
C'est à l'hôpital qu'il se réveillera,
Découvrant les ravages sur son corps meurtri,
Son visage tuméfié, sa dent cassée, ses côtes fêlées,
Ses trois fractures au bras droit.
*
Il s’était fait beau, un vendredi soir,
Le cœur plein de rêves et d’espoirs,
Il marchait d’un pas résolu,
Jusqu’au point de rendez-vous convenu.
Il pensait faire une belle rencontre,
Il lui avait parlé sur Grindr,
Il attendit longtemps, regardant sa montre,
Mais le bel étalon n’était pas à l’heure.
Soudain, quatre adolescents, quatre mineurs,
Surgirent pour lui dérober ses biens de valeur,
Il n’y avait jamais eu de bel étalon,
Il s’en voulut d’avoir mordu à l’hameçon.
Trop tard, le voilà frappé, violenté,
Ils lui arrachent son téléphone et sa dignité,
Et s’enfuient. Lui, abasourdi, se rend à l’hôpital
Mais ce n’est pas son corps qui a eu le plus mal.
*
Oh comme ces histoires se ressemblent
Tristement hélas, et ne changent
Que les lieux et les circonstances.
Il importe pourtant de les conter.
Voici donc qu’aujourd'hui encore en France
Être gay, bi, lesbienne ou trans,
Peut valoir d’être séquestré, battu, frappé,
Blessé, meurtri, tabassé, insulté.
Nous ne vous oublierons pas, chers frères,
Qui hier et aujourd'hui avez souffert,
Nous marcherons ensemble sous le même drapeau
Nous dirons que nous sommes fiers,
Et, unis, joyeux, forts, nous serons beaux.
Gabriel Grossi, 10 mai 2024.
Ces quatre poèmes sont directement inspirés de faits réels qui se sont déroulés en l’espace de seulement quelques jours et ont été rapportés par la presse. Ils ont vocation à faire partie du recueil à venir Du Néon aux étoiles qui sera un recueil engagé contre l’homophobie. Rappelons que le mois de mai est le « mois des fiertés », et que nous célébrerons ce 17 mai, jour de la Journée mondiale de lutte contre les LGBTphobies, les trente-quatre ans du retrait de l’homosexualité de la liste des maladies mentales par l’OMS. À cette occasion, le Centre LGBT de Nice organisera un « Rainbow Festival » qui s’annonce à la fois intéressant, instructif, militant et festif.

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Très beau poème, et très vrai ! Merci pour ce partage !
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