Un projet pédagogique singulier a vu le jour à Tourrette-Levens, sous la forme d’un album pour enfants intitulé Chouà e Celesta à Toureta. Rédigé en nissart, la langue régionale de Nice, ce livre est le fruit d’un travail collectif mené par les élèves de l’école primaire de Tourrette-Levens, sous la direction de Hervé Andrio, directeur de l’école et fervent défenseur de la culture locale.
Une immersion dans le patrimoine niçois
L’album raconte l’aventure de deux enfants, Chouà, un Niçois, et son amie tourrettane, Celesta, qui explorent ensemble les particularités de leur environnement, qu’elles soient géographiques, historiques ou culinaires.
Grâce au périple des deux personnages à travers la région niçoise, les élèves sont plongés dans un univers à la fois familier et méconnu. Familier, parce qu’ils reconnaîtront les décors de leur école et de leur village, ainsi que de la capitale azuréenne. Et cependant méconnu, puisqu’il ne suffit pas de vivre en un lieu pour en connaître l’histoire et la culture. Grâce à ce livre, les enfants pourront approfondir leur connaissance du patrimoine, qui est une richesse commune à tous.
Le nissart, langue souvent perçue, non sans raisons, comme en voie de disparition, retrouve ici une place de choix. C’est nécessairement en enseignant une langue qu’on la maintient vivante contre le nivèlement provoqué par la mondialisation. Ce choix linguistique permet de sensibiliser les élèves et leurs familles à l’importance de préserver leur patrimoine linguistique, tout en enrichissant leur vocabulaire et en les familiarisant avec une autre facette de leur identité culturelle.
Bien entendu, il ne saurait y avoir de compétition entre le nissart et le français : pour la plupart des enfants, le nissart n’est pas une langue maternelle, mais son apprentissage ne peut rendre que meilleur dans la pratique du français, ou même d’autres langues étrangères. En ce sens, la volonté d’apprendre le nissart n’a rien d’un repli régionaliste : en connaissant sa propre culture locale, on s’ouvre d’autant mieux aux autres cultures du monde.
Les élèves et leurs familles rencontreront ainsi les fameuses chaises bleues de Nice, nées à Tourrette, découvriront les recettes de la socca et du pan bagnat, et chanteront avec plaisir « Nissa la bella ».
La richesse du contenu, qui sait demeurer ludique tout en étant hautement instructif, offre aux enfants un panorama complet de leur environnement. C’est le genre de livre qui donne envie d’apprendre le nissart.
Un projet collectif aux multiples apports pédagogiques
Ce livre n’est pas le simple produit d’un prof de nissart, mais bien une œuvre collective où chaque élève a pu participer activement, contribuant à la création de l’histoire et des illustrations. Le fait que les enfants aient eux-mêmes dessiné certains des éléments graphiques, qui ont ensuite été intégrés dans des montages réalisés par Éric Roux, parent d’élève et illustrateur, ajoute une dimension profondément participative au projet.
Cette approche pédagogique, axée sur la coopération et l’implication personnelle, est extrêmement bénéfique pour les élèves. Non seulement elle les engage dans une démarche créative, mais elle leur permet également de développer des compétences variées : écriture, illustration, travail en groupe et prise de décisions collectives. Les enfants peuvent être fiers de voir leur travail déboucher sur une véritable publication, imprimée en couleurs sur papier glacé, qui valorise le travail de classe.
Ainsi, ce projet ne se limite pas à la salle de classe. Le livre a vocation à toucher aussi les familles, invitant parents et enfants à échanger autour de l’ouvrage et des thèmes qu’il aborde. La collaboration avec Éric Roux, illustrateur et parent d’élève, dont les montages mêlent habilement photographies et dessins d’enfants, témoigne de l’implication de la communauté scolaire dans son ensemble. Ce type d’initiative renforce ainsi la cohésion entre l’école et les familles, ce qui semble d’autant plus important que les divers plans vigipirate et la crise sanitaire ont pu, pendant un temps, distendre ces liens pourtant essentiels.
La transmission d’une culture vivante
Grâce à Chouà e Celesta à Toureta, les élèves de Tourrette-Levens, mais aussi ceux d’autres écoles qui auront l’occasion de découvrir l’album, se réapproprient une partie de leur histoire et de leur culture locale, souvent éclipsée par une modernité globalisée. Une culture que l’école permet de maintenir bien vivante. Grâce à Hervé Andrio, que j’ai eu l’occasion de côtoyer en 2016-2017 à l’école maternelle de Tourrette-Levens, ce projet montre à quel point une approche éducative ancrée dans le territoire peut contribuer à développer la curiosité et l’intérêt des élèves pour leur propre environnement, leur propre culture, et la langue locale.
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Résolument pluridisciplinaire, ce projet montre que l’apprentissage du nissart est d’une grande richesse pour les enfants. Ils n’apprennent pas seulement une langue locale, ils découvrent aussi une géographie, une histoire, des chants, des jeux, des spécialités gastronomiques… Il faut défendre l’enseignement du nissart, tout comme il faut défendre aussi celui du latin, et plus généralement de tous ces domaines dont l’utilité immédiate ne saute pas aux yeux, et qui sont pourtant essentiels à la construction d’un futur adulte accompli. Grâce à l’engagement d’Hervé Andrio et de l’équipe pédagogique, les élèves de Tourrette-Levens ont pu vivre une expérience éducative enrichissante et unique, leur offrant l’occasion de devenir à leur tour les gardiens et les transmetteurs de cette culture.
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Un super projet ; et vive PACA !
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