Brigitte Broc, née en 1958, a grandi en Gironde, entre océan et forêt. Depuis 1998, elle est établie dans l’arrière-pays grassois (Alpes-Maritimes). Après avoir travaillé dans la traduction, l’enseignement et l’audiovisuel, elle se consacre désormais à l’écriture, et a publié de nombreux ouvrages. Poète invitée des Rencontres d’Aiglun cet été, puis mise à l’honneur par une soirée de l’association Embarquement poétique en septembre, Brigitte Broc a récemment publié Pose l’été entre la menthe et ma peau aux éditions Encres de Siagne. J’ai voulu en savoir un peu plus sur son univers. Entretien.
L’entrée en poésie
- J’aime beaucoup commencer par demander, aux poètes que j’interroge, comment ils ont découvert la poésie, et comment ils en sont venus à écrire. Brigitte Broc, quelle a été votre rencontre avec la poésie ?
J’ai eu la chance d’être entourée de livres lorsque j’étais enfant. Mon père était abonné aux éditions Jean de Bonnot et il recevait régulièrement des ouvrages de grande qualité, tant sur le plan esthétique que sur celui du contenu. Il avait, par exemple, les œuvres complètes d’Honoré de Balzac, d’Alexandre Dumas, de François-René de Chateaubriand, en passant par Le Traité de la peinture de Léonard de Vinci, les œuvres de Molière et les deux tomes de la Grande Bible de Tours. Il aimait aussi beaucoup la poésie et me récitait des poèmes de Victor Hugo, de Leconte de Lisle, de Lamartine… J’aimais devoir garder le lit quand j’étais malade, car ma mère m’achetait des livres pour que le temps passe plus vite et plus agréablement.
Je suis venue à l’écriture par souci de consoler ma mère qui venait de perdre un proche. J’avais alors huit, neuf ans. J’ai trouvé une feuille de papier dans la chambre que j’occupais lors de vacances estivales, et, tout naturellement, me sont venus des mots qui ont fini par faire un poème. Je n’avais pas alors décidé de ce que je devais écrire, ni de la forme que cela devait avoir, mais ce fut un poème.

Le féminin sacré
- Vous écrivez beaucoup sur le féminin sacré. Comment définiriez-vous cette notion ?
J’écris beaucoup sur la femme, sur la nature et les origines. Je suis née dans le Sud-Ouest et le berceau de ma famille est le Périgord noir. Une région où les hommes préhistoriques ont laissé un grand nombre de traces. J’ai donc été baignée, depuis mon enfance, par ces eaux quasi primordiales et elles continuent d’irriguer tout mon être.
Je ne suis pas historienne ni scientifique, mais toute cette période me questionne, me nourrit et me fascine. Je sens physiquement, en moi, ces premières femmes, ces premiers hommes. Quels furent leurs premiers gestes, regards, sourires, « mots » ?
Etant aussi très intéressée par les débuts de l’univers, de la terre, j’ai établi un lien, très fort, entre la femme et notre terre.
Pour moi, le féminin sacré, c’est cette femme des origines, matricielle, sauvage. Comme l’écrit Clarissa Pinkola Estès dans son magnifique ouvrage Femmes qui courent avec les loups, « le mot sauvage n’est pas utilisé ici en son sens moderne, péjoratif, d’échapper à tout contrôle, mais en son sens originel de vivre une vie naturelle ». De plus, les mots soignent les maux, et c’est notre longue chaîne humaine qui en est la source.
- Que pensez-vous de la place des femmes dans le paysage poétique actuel ?
Je suis heureuse de constater qu’elles occupent une place, non négligeable, et que leurs écrits possèdent une belle et grande force. Mais elles ont été bâillonnées trop longtemps et continuent de l’être dans beaucoup trop de pays. Leur parole est essentielle et il y a encore un très long chemin à parcourir pour qu’elle se fasse totalement entendre.

« La terre est notre chair »
- Pouvez-vous nous présenter votre dernier livre ?
Mon dernier recueil, Pose l’été entre la menthe et ma peau, vient d’être publié par Encres de Siagne. Il est accompagné d’encres et d’aquarelles de Josette Digonnet. J’ai toujours beaucoup de mal à « présenter » mes livres. Là encore, il est question de nature, de la femme et du langage, qui sont étroitement mêlés.
Je préfère laisser le poème « parler » à ma place… Voici donc un extrait :
Un jour, elle s’est blottie
Sous la paille d’un mot.
Elle a reçu, en plein visage,
L’envol des collines
Et leur floraison.
Depuis, elle tresse des joncs
Dans l’obsédante clarté
De matins toujours neufs.
Elle rêve de s’ouvrir champ
Pour raconter au vent
La nuque des cailloux,
La hauteur du silence.
Dans son regard
S’ancreraient les moissons
Et sur ses hanches blondes
Reposeraient les blés.
Il n’y aurait plus de porte close
Entre ses bras
Et les mottes fragiles
Des voyelles.
Non, rien qu’un élan continu
D’elle vers le ciel
D’elle en labours.
Et l’envie de tanguer,
Inlassable,
Dans les mains de la brume.
Elle a choisi
Une route d’étoiles.
Dans sa paume,
La rondeur des étés.
Trace,
Comme le premier coquillage,
Elle éclabousse, elle jubile, elle veille.
Elle sait que chaque arbre est poème.
Ne reviens pas sur tes pas.
Le chemin est là,
A portée d’innocence.
Chaque versant garde le sillon.
La sève s’est exhalée au passage du Verbe.
Désormais, la terre est ta chair.
Désormais, la terre est notre chair.
Merci beaucoup, Brigitte Broc, d’avoir accepté de répondre à mes questions et de nous avoir proposé ce beau poème.
Pour en savoir plus
- Le site Internet de Brigitte Broc : https://brigittebroc.wixsite.com/brigittebroc
- La présentation de Brigitte Broc sur le site de la Maison des Ecrivains et de la Littérature : https://www.m-e-l.fr/brigitte-broc,ec,921
- Présentation de la rencontre de l’association Embarquement poétique : https://embarquementpoetique.com/rencontre-de-septembre-les-poetes-brigitte-broc-et-roselyne-sibille/
- Compte-rendu des Rencontres de paroles d’Aiglun où est intervenue Brigitte Broc : Rencontres de paroles d’Aiglun : jour 4
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