On vient de m’envoyer, en guise de vœux de bonne année, un poème intitulé « Je te souhaite » et présenté comme écrit par Victor Hugo. J’ai été très touché par ce geste qui est un très beau témoignage d’affection. Mais il m’a suffi de lire ce poème pour être convaincu qu’il n’était pas de Victor Hugo. J’ai donc mené ma petite enquête…
« Je te souhaite d’abord que tu aimes
Et qu’en aimant, tu sois à ton tour aimé. […] »
Effectivement, le poème est attribué à Victor Hugo sur le site jepoemes.com, et il est de très nombreuses fois reproduit sur des blogs et sur les réseaux sociaux en étant imputé à notre grand poète romantique.
Pourtant, nous sommes très loin de la facture du poète. Le fait qu’il s’agisse d’un poème en vers libres, non rimé, suffit à mettre la puce à l’oreille. La simplicité du lexique, le manque d’euphonie, font le reste. Sans parler du propos qui n’est pas du tout dans le ton du XIXe siècle.
Sur un autre blog, le poème est signé « Fleur » en bas du poème, ce qui semble bien être une autre usurpation.
J’ai en effet trouvé, sur plusieurs sites différents, une affirmation qui me paraît plus crédible, et selon laquelle le poème serait une traduction du poème original « Os Votos » de l’auteur brésilien Sergio Jockymann, publié en 1980 dans le journal « El Jornal Folha da Tarde ».
On trouvera cette affirmation sur le site « Dandanjean », sur le blog « La mémoire de Yaïvi »…
J’ai donc cherché ce poème en portugais brésilien, et je suis rapidement tombé sur un site qui annonce précisément que ce poème est souvent attribué à tort à Victor Hugo. Le poème est beaucoup plus convainquant en portugais, ce qui m’incite en effet à croire que le texte français n’en est que la traduction. Une rapide recherche sur Internet montre que ce poème apparaît de très nombreuses fois en étant attribué à Sergio Jockymann, ce qui donne du crédit à cette attribution.


Ce Sergio Jockyman possède une fiche Wikipédia, en portugais, qui le présente comme un journaliste, poète, romancier, dramaturge, qui a aussi écrit pour la télévision. Né en 1930 et mort en 2011, il a aussi été député. L’article de Wikipédia fait référence à ce fameux poème, présenté comme l’un de ses textes les plus célèbres, qui gagna une grande répercussion en étant maintes fois cité sur les réseaux sociaux, en étant erronément imputé à Victor Hugo.
L’article de Wikipédia source cette information en renvoyant vers le blog d’Emilio Pacheco, qui diffuse un fac-similé du fameux article de journal où Sergio Jockyman a publié ce texte, qui était à l’origine en prose. Je vous ai fait une impression d’écran qui zoome sur les premiers mots du texte, qui n’était pas présenté comme un poème mais comme des vœux de bonne année.
Je crois que l’enquête est terminée. J’ai vu sur YouTube l’affirmation selon laquelle la cause de cette erreur serait le fait que le texte ait été au départ relayé par un Brésilien nommé Vitor Hugo, et que la confusion avec le poète français ait été facile. Toutefois, je n’ai pas de preuve de cette affirmation.
Retenons de tout cela qu’il faut se méfier d’Internet, où circule le meilleur comme le pire, le vrai comme le faux. La plus grande qualité d’Internet est aussi son défaut : le réseau mondial est accessible à la plupart des gens, sans tri ni filtre, et chacun est libre d’y écrire ce qu’il veut, sans que cela ait été vérifié.
Il y a quelques années, j’avais déjà tiqué à propos d’une citation erronément attribuée à Sénèque. Aussi belle que soit la recommandation de danser sous la pluie, elle ne doit rien au philosophe stoïcien. Alors, tenez-vous-le pour dit : méfiez-vous d’Internet ! Et bonne année quand même !

Image d’en-tête générée par ChatGPT.
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Victor Hugo était un footballer brésilien.
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Intéressant.
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