L’Italie et moi, c’est une histoire d’amour… Mes lointaines origines italiennes m’ont donné envie, dès la Quatrième, d’apprendre cette langue. En classes préparatoires littéraires, je l’ai choisie comme LV1, et ai obtenu une équivalence de DEUG dans cette langue. Devenu enseignant, j’ai pris plaisir à enseigner dans cette langue dans le cadre du dispositif ÉMILE. Aujourd’hui, je vous invite à la découverte de la poésie italienne…
« Le tre corone »
Je me souviens que mon professeur d’italien en khâgne, madame Cassac, nous présentait Dante, Pétrarque et Boccace comme les voix les plus éminentes de la littérature italienne, réunies sous le terme de « tre corone », les trois couronnes. Contrairement à la France dont les auteurs les plus célèbres sont plus tardifs, c’est à la fin du Moyen Âge que la littérature italienne connaît cet âge d’or marqué par ces trois figures du patrimoine littéraire mondial.
Quelques mots de contexte historique. Nous sommes donc à la fin du Moyen-Âge, à une époque où l’Italie n’existait pas en tant qu’entité politique. Il y avait une multitude de cités-États florissantes et rivales. La ville de Florence était particulièrement dynamique et c’est sans doute pourquoi c’est en Toscane qu’émergera la littérature italienne de langue vulgaire, si bien que le dialecte toscan est devenu l’ancêtre de l’italien moderne standard. Pour le dire autrement, la langue italienne est du toscan qui a évolué, et cela s’explique précisément par l’émergence d’une immense littérature de langue toscane à la fin du Moyen Âge, faisant entrer le pays dans la Renaissance. Vous savez que, quand on parle de Renaissance en Italie, on parle d’une époque antérieure à la Renaissance française, puisque c’est d’Italie qu’elle a ensuite été importée en France, notamment par François Ier. Il s’agit du Trecento et du Quattrocento, les quatorzième et quinzième siècles.
Dante (1265-1321)
C’est surtout par son prénom que l’on connaît Dante Alighieri. Le poète, dont le portrait se retrouve sur les euros italiens, est né à Florence à une époque de turbulences politiques et religieuses en Italie. La ville de Florence était alors le théâtre de conflits entre les guelfes (partisans du pape) et les gibelins (partisans de l’empereur). Dante, un guelfe convaincu, a été impliqué dans la politique de sa ville, mais son parti a été déchu du pouvoir en 1302, le forçant à l’exil. C’est pendant cette période que Dante a écrit son œuvre majeure, « La Divina Commedia », dans laquelle il parcourt les cercles de l’enfer, du purgatoire et du paradis, offrant une vision épique et philosophique de l’au-delà.
Cette épopée poétique en trois parties – l’Enfer, le Purgatoire et le Paradis – offre une vision magistrale de l’au-delà, marquée par un goût pour les symboles et pour les nombres. Guidé par le poète romain Virgile et par l’initiatrice Béatrice, Dante entreprend un voyage spirituel à travers les régions de l’au-delà, rencontrant une multitude de personnages historiques, mythologiques et contemporains. À travers ses vers riches et ses descriptions vivantes, Dante explore les thèmes de la justice divine, du péché et de la rédemption, offrant une méditation profonde sur la condition humaine et la quête de la grâce divine. « La Divina Commedia » est devenue une œuvre incontournable du patrimoine mondial.
Pétrarque (1304-1374)
Pétrarque, de son vrai nom Francesco Petrarca, est né en juillet 1304 à Arezzo, en Toscane. Il a grandi à Avignon, en France, où son père était exilé en raison des conflits politiques en Italie. Pétrarque a étudié le droit à Montpellier, mais sa véritable passion était la littérature et la poésie. Il est surtout connu pour ses poèmes lyriques dédiés à son amour platonique, Laura, qu’il a rencontrée pour la première fois en 1327. Pétrarque a voyagé à travers l’Europe, poursuivant ses intérêts intellectuels et politiques, et il est décédé le 19 juillet 1374 à Arquà, en Italie.
Le « Canzoniere », également connu sous le nom de « Rime sparse » (Vers épars), est le recueil de poèmes le plus célèbre de Pétrarque. Composé de 366 poèmes, le « Canzoniere » est une exploration poétique de l’amour, de la nature, de la philosophie et de la spiritualité. Les poèmes sont organisés autour du thème central de l’amour idéalisé pour Laura, une figure mystérieuse et éthérée qui incarne la beauté et la vertu.
Pétrarque est célèbre pour avoir perfectionné la forme du sonnet, une structure poétique composée de 14 vers, deux quatrains et un sizain formé de deux tercets. Cette forme sera ensuite reprise par Du Bellay, Ronsard, Shakespeare, Baudelaire, Rimbaud…
L’influence de Pétrarque sur la poésie européenne a été immense. On s’en rend compte en lisant Ronsard, que j’ai beaucoup étudié en khâgne puisqu’il était au programme du concours de Normale Sup. Ronsard, l’un des principaux poètes de la Renaissance française, a été profondément inspiré par le style et les thèmes de Pétrarque. Comme son prédécesseur italien, Ronsard a utilisé le sonnet pour magnifier le dire d’amour, avec une verve lyrique qui devient presque épique. À la Laure pétrarquiste correspond la Cassandre de Ronsard, comme elle figure fantasmée et idéalisée plutôt que femme réelle.
Boccace (1313-1375)
Giovanni Boccaccio est né à Certaldo, dans la république de Florence, dans une famille bourgeoise. Il a vécu à une époque marquée par la peste noire qui a ravagé l’Europe au milieu du 14e siècle. Le « Decameron », son oeuvre la plus connue, est sans doute né de ce contexte de pandémie. En effet, Boccace imagine un groupe de jeunes gens qui se confinent pour fuir la peste, et qui se racontent des histoires pendant dix jours, d’où le titre de l’ouvrage. Le Décaméron apparaît ainsi comme un recueil de cent nouvelles, reliées par ces narrateurs fictifs. À travers ces récits, Boccace offre un tableau vivant de la société médiévale italienne, mêlant humour, satire et compassion.
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L’Arioste et le Tasse : des épopées poétiques
J’ai beaucoup moins étudié l’Arioste et le Tasse, mais il faut quand même en dire quelques mots. Le premier, Ludovico Ariosto, a écrit Orlando furioso, le Roland furieux, qui conte des histoires de chevaliers, d’amour courtois et de quêtes chevaleresques. Le personnage principal est Roland.
Le second, Torquato Tasso, a écrit la Gerusalemme liberata, Jérusalem délivrée, épopée qui se passe dans un contexte de croisades. J’ai failli l’étudier, car il était au programme de l’ENS pour les italianistes, mais je me suis finalement réorienté en lettres modernes. Je me souviens que le texte était difficile à comprendre, s’agissant d’une langue de la Renaissance qui n’a pas grand chose à voir avec l’italien contemporain. Le poème met en scène les exploits des croisés chrétiens, dirigés par Godefroy de Bouillon, dans leur quête pour libérer la Terre sainte des forces musulmanes dirigées par le sultan Solyman.
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Je me permets un grand bond dans le temps, avec des poètes du vingtième siècle. Tout simplement parce que je ne m’autorise à parler que de poètes que j’ai ne serait-ce qu’un peu fréquentés. Il faudrait, bien sûr, parler de Giambattista Marino, de Giacomo Leopardi, d’Alessandro Manzoni… Je ne les connais pas assez pour en parler vraiment.
Umberto Saba
En revanche, j’ai été initié à la lecture d’Umberto Saba en khâgne, car il était au programme de l’ENS.
Umberto Saba, de son vrai nom Umberto Poli, né en 1883 à Trieste et mort en 1957, est considéré comme l’une des figures les plus importantes de la poésie italienne moderne.
Umberto Saba entretient un lien profond et intime avec la ville de Trieste, sa ville natale, qui a eu une influence majeure sur sa vie et son œuvre poétique. Trieste, située à la frontière entre l’Italie et l’Europe centrale, était un carrefour culturel et linguistique, caractérisé par sa diversité ethnique et sa richesse historique. Pour Saba, Trieste était bien plus qu’un simple lieu de naissance ; c’était une source d’inspiration constante et un élément central de son identité.
Gianni Rodari
Je voudrais dire aussi quelques mots de Gianni Rodari, le tout premier poète italien que j’aie lu. La prof d’italien du collège, Mme Rocchi, nous avait fait apprendre l’une de ses comptines de bonne année. Auteur de Filastrocche, Gianni Rodari excelle en effet dans la poésie enfantine. J’avais appris par coeur le poème que voici, suivi d’une traduction personnelle qui cherche à rester très proche de l’original tout en maintenant des rimes ou au moins des assonances quand c’est possible.
Filastrocca di capodanno
Fammi gli auguri per tutto l'anno :
voglio un gennaio col sole d’aprile,
un luglio fresco, un marzo gentile;
voglio un giorno senza sera,
voglio un mare senza bufera;
voglio un pane sempre fresco,
sul cipresso il fiore del pesco;
che siano amici il gatto e il cane,
che diano latte le fontane.
Se voglio troppo, non darmi niente,
dammi una faccia allegra solamente.
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Comptine du nouvel an
Voici mes voeux pour tout l'an :
Je veux un janvier avec un soleil d'avril,
un juillet frais, un mars gentil,
je veux un jour sans soir,
une mer sans tempête,
Je veux que le pain soit toujours frais,
et que pousse sur le cyprès la fleur du pêcher,
que soient amis le chat et le chien,
que donnent du lait les fontaines.
Si je demande trop, ne me donne rien,
Présente-moi seulement un visage serein.
Gianni Rodari était un écrivain et journaliste italien né en 1920 et décédé en 1980. Il est surtout connu pour ses livres pour enfants, qui sont devenus des classiques de la littérature jeunesse italienne.
Mario Luzi
J’ai découvert le nom de Mario Luzi grâce à Jean-Yves Masson qui a traduit en français certains de ses recueils. Il m’a donné envie de découvrir ce poète, qui fait indéniablement partie des grandes voix de la poésie italienne de la deuxième moitié du XXe siècle.
Des contemporains
J’ai eu la chance de rencontrer, physiquement ou virtuellement, plusieurs poètes italiens contemporains, grâce notamment à Marilyne Bertoncini qui est en contact avec certains d’entre eux.
- Elizabeth Guyon-Spennato est ainsi venue à Nice à l’occasion d’un « Jeudi des mots » organisé par Marilyne Bertoncini. J’ai été très intéressé par le parcours fascinant de cette femme, de nationalité malto-française, dont la famille est originaire d’Ischia, une île italienne au large de Naples. Elle a vécu à Taïwan et à Pékin, a été actrice de cinéma en Chine, et a découvert ensuite l’Iran où elle a voyagé à plusieurs reprises. Ainsi, en plus de l’italien et du français, elle a appris le chinois et le persan. Elle a photographié les femmes d’Iran, et en a tiré un très beau livre de poésie.
- J’ai rencontré Emanuela Rizzo sur les réseaux sociaux où elle a été très active pendant la pandémie. Elle a cherché à maintenir du lien pendant cette période d’enfermement, et a diffusé de nombreuses vidéos où elle lit de la poésie. C’est ainsi que j’ai découvert ses recueils Cuore di fico d’India (Coeur de figue de barbarie) et Aforismi (Aphorismes). Elle est à l’origine d’une anthologie Fiorire l’inverno (Fleurir l’hiver) à laquelle j’ai eu la chance de participer.
- C’est par Emanuela Rizzo que j’ai découvert Luca Ariano qui s’est occupé avec elle de cette anthologie.
- C’est encore grâce aux réseaux sociaux que j’ai découvert Mario Badino. Ce professeur de lettres enseigne dans les Pouilles. Avec humour et dérision, il publie régulièrement des photos d’un réverbère penché, situé à Torre Santa Suzanna, qu’il présente comme un momment historique capable de rivaliser avec la célèbre tour de Pise. Ce poète a par ailleurs publié les recueils Cianfrusaglia et Santificare le feste, dont j’ai traduit l’un des poèmes sur ce blog à l’occasion de l’auto-proclamée « Journée mondiale de la poésie badine ». Mario Badino a par ailleurs traduit en italien mon poème contre l’homophobie.
- C’est d’abord comme traductrice que j’ai rencontré le nom de Viviane Ciampi, qui me fait l’honneur d’être une lectrice assidue de ce blog. Elle est aussi poète, et elle fait partie des voix poétiques que j’ai envie de découvrir plus profondément.
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Bien sûr, il manque beaucoup de noms. Il faudrait notamment ajouter ceux d’Andrea Zanzotto, d’Alessio Zanichelli, de Roberto Marzano… Et, parmi les poètes du passé, Ugo Foscolo, Giacomo Leopardi, Giuseppe Ungaretti, Gabriele D’Annunzio, Eugenio Montale… La rubrique « Italiano Vero » de ce blog, créée il y a quelques temps déjà, demande à être encore développée. Mais c’est un travail qui prend du temps. Soyez patients, donc… Vous voyez que, dix ans après la création de ce blog, et des milliers d’articles rédigés, ce ne sont pas les idées qui manquent. Alors, à bientôt pour de nouvelles aventures !
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Merci d’avoir allumé ce, déjà, grand feu de joie !!!
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Merci à vous !
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Mais les troubadours ont précédé Dante qui les admirait.
Et aujourd’hui, que diriez-vous de Giuliano Ladolfi ?
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À découvrir…
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