C’est sous la forme de la lettre que Claude Montserrat a choisi de s’exprimer pour évoquer les deux derniers recueils de Béatrice Bonhomme. Elle en fait une lecture très sensible et très juste. C’est donc avec grand plaisir que je les publie ici.
Deux lettres de Claude Montserrat sur deux recueils de Béatrice Bonhomme : Monde, genoux couronnés et Murmurations des oiseaux
Lettre sur Monde, genoux couronnés
14 avril 2025
Béatrice,
Cet après-midi enfin, j’ai eu le temps d’ouvrir ton livre de poèmes Monde, genoux couronnés … et je ne l’ai plus lâché jusqu’à son dernier mot. Il est très beau. Je viens de le refermer mais je ne peux le quitter, je dois te parler de lui, te dire que l’univers que tu lèves ainsi de tes mots, m’est cher et familier. J’y reconnais des sensations enfouies, des souvenirs recréés, des genoux, ah les genoux, je les avais oubliés, des arbres et des blés, et elle ! elle et sa simplicité, elle partagée entre ma mère et ma grand-mère, elle sachant être du monde et offrant sa douceur.
J’en suis émue et ravie, cette proximité me fait du bien, elle ranime les devoirs sans rature et les cahiers d’écriture sur la table de la cuisine. Merci de me rendre tout cela par tes mots purs et lacérés. Et tout cela sous la bienveillance des arbres… Quelle beauté ! Vraiment quelle beauté !
Le recueil qui m’a le plus touchée est Le cœur de la brodeuse. C’était le métier de ma mère et j’en ai gardé l’amour des fils, des liens, des tissus, des coupes, des reprises. Et des renouements.
Je découvre que les gravures sont de toi aussi. Elles sont à l’égal de tes mots. Elles touchent.
Bien à toi
Claude
Lettre sur Murmuration des oiseaux
6 mai 2025
Béatrice,
J’ai reçu tes Murmurations, il y déjà quelques jours. Je ne voulais pas les lire par morceaux. Je les voulais entières et d’un trait. Mais il est difficile de trouver ce temps-là… J’ai dû attendre ce matin dans mon train pour Paris. Et dans le confort des rails, je les ai ouvertes. Lentement. En tenant précieusement le livre. Et en lisant tout ce que tu as écrit que je découvre comme une vraie œuvre. Puis, page à page, comme la première fois, j’ai été émue par tes poèmes qui disent tant de choses profondément miennes. Et dont j’aime toujours retrouver l’enfance. On croyait que toujours il y aurait des lentilles à trier, des torchons à repriser, des chattes blanches et des oiseaux bleus. Et dont j’aime toujours aussi retrouver la quête, celle des humbles présences de la lumière. À ma manière, dans la belle et difficile langue de la philosophie, j’ai tenté de dire ce qu’est la lumière et tout particulièrement Cette lumière de la baie des Anges… Émue oui, touchée oui – ta dédicace le dit bien-, par le lien que tu établis entre l’aiguille et les mots, la broderie et le tissu du monde. J’aime que tu en désignes l’héritage et la transformation. C‘est ce que nous faisons / Dans nos textes. De la reprise. Combien il m’est doux de me sentir ainsi reliée à ma mère et ma grand-mère, et que cela soit écrit. Te souviens-tu, si c’était écrit, c’était vrai. De la même façon qu’il m’est doux de me sentir reliée à mon père en ce féminin de maçonnes qualifiant les hirondelles.
Ta langue est d’une grande pureté, elle porte, dans sa simplicité et ses surprises, un monde essentiel. J’adore apprendre comment tu t’y prends en massant les mots pour qu’ils se détendent / Perdent leurs airs importants (…) / De mots bien comme il faut. Tu écris comme tu caresses un chat. Longuement. Et les oiseaux, comme c’est beau ! Et, et… Merci infiniment Béatrice, quel cadeau !
En amitié
Claude
Qui est Claude Monserrat ?
Claude Montserrat, agrégée de Philosophie et Docteur ès Lettres, unit toujours la réflexion métaphysique à la densité de l’expression poétique. Après avoir été professeur en classes préparatoires au Centre International de Valbonne, près de Nice où elle habite, elle consacre sa recherche à la question de l’être en interrogeant la lumière, le très peu, la présence ou le temps. D’autres méditations à teneur plus intime, portent sur la figure de l’ange comme advenir à soi-même, sur la possibilité d’une consolation pour chacun ou sur la contemplation des heures. Sa dernière publication aux éditions Geuthner, 2024, est : Éphémères et lucides, nos éternités.
Qui est Béatrice Bonhomme ?
Béatrice Bonhomme, agrégée et docteur ès Lettres, est Professeur de littérature française à l’université de Nice, où elle a conduit de nombreux travaux de recherches et dirigé le CTEL. En 1994, elle fonde la revue Nu(e) qui a consacré de nombreux numéros à la diffusion et à l’étude de la poésie contemporaine, avec un constant souci du lien avec les arts plastiques. Elle a publié de nombreux recueils de poésie, parmi lesquels Monde, genoux couronnés et Murmurations des oiseaux. Elle m’a aussi fait l’honneur de diriger ma thèse de doctorat sur la poésie contemporaine.
LittPO.fr
Littérature Portes Ouvertes est un site destiné à la diffusion du savoir dans le domaine des lettres, créé en 2015 par Gabriel Grossi. Plus d’une centaine de poètes contemporains y ont été recensés. De nombreux dossiers ont été consacrés à la littérature d’hier et d’aujourd’hui, à la culture au sens large, à la philosophie, avec une place centrale accordée à la poésie. Il abrite la revue Grabuge qui publie, une fois par an, les poèmes reçus suite à un appel à textes. Il compte aujourd’hui plus de trois millions de vues, et plus de 1800 abonnés.
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