J’ai visité la maison de Pétrarque

En vacances en ce moment, j’ai eu la chance de visiter la maison de Pétrarque, située dans la commune de Arquà Petrarca, en Vénétie (Italie). L’occasion de revenir sur la vie et l’œuvre de ce grand poète de la Renaissance, l’une des « trois couronnes » italiennes avec Dante et Boccace, tout en vous présentant quelques images de cette belle maison toute ornée de fresques.

Francesco Petrarca

Qui était Pétrarque ?

Francesco Petrarca, né en 1304 à Arezzo, aurait pu être un bon moine s’il n’avait pas préféré les bibliothèques aux cloîtres et les songes amoureux aux psaumes. Fils d’un notaire exilé, il grandit entre Avignon et Carpentras, au cœur d’une papauté bien peu mystique. C’est là qu’il rencontre, ou croit rencontrer, la fameuse Laure, dont il fera la gloire de son Canzoniere — une femme réelle peut-être, un mythe surtout. Humaniste avant la lettre, il collectionne les manuscrits latins comme d’autres les indulgences et redécouvre Cicéron avec l’ardeur d’un archéologue sentimental. Couronné poète à Rome en 1341, il devient la coqueluche d’une Europe lettrée qui redécouvre l’Antiquité à travers ses vers. Voyageur infatigable, diplomate malgré lui, il passe sa vie entre Vaucluse, Milan, Padoue et Arquà, où il meurt en 1374, plume à la main. On lui doit d’avoir remis le je au cœur de la poésie, d’avoir fait rimer l’âme avec la langue, et d’avoir préparé sans le savoir la Renaissance.

L’entrée de la maison de Pétrarque

Le Canzoniere

Le Canzoniere de Pétrarque, c’est un peu le journal intime d’un amoureux du XIVᵉ siècle qui aurait su manier la syntaxe comme d’autres le pinceau. Recueil de 366 poèmes, dont la majorité sont des sonnets d’une précision musicale, il raconte l’obsession d’un homme pour une femme, Laure — ou Laura — entrevue un jour d’avril 1327 dans une église d’Avignon et jamais oubliée. Mais sous cette Laure, il y a plus qu’une belle : il y a l’aura du désir, l’oro de la lumière, et l’alloro du laurier, symbole de gloire poétique — tout un jeu de reflets où l’amour se confond avec la quête d’immortalité. Chaque sonnet devient une alchimie entre le feu et la raison, la chair et l’âme, la douleur et la grâce. On y trouve la première introspection moderne : un cœur qui s’analyse tout en battant. En célébrant l’inaccessible, Pétrarque invente la poésie de l’absence — et, sans le savoir, tout un idéal amoureux qui hante encore la littérature européenne.

Les murs sont recouverts de fresques (ici, la cheminée)

La maison de Pétrarque à Arquà

La maison de Pétrarque à Arquà, petit village lové dans les collines euganéennes près de Padoue, ressemble à une retraite de sage un peu mélancolique — et c’est exactement ce qu’elle fut. L’écrivain s’y installa vers la fin de sa vie, cherchant la paix après tant de voyages, entre les vignes, les cyprès et le murmure des fontaines. La demeure, sobre et lumineuse, garde encore son charme rustique : plafonds en bois, escaliers étroits, fenêtres ouvertes sur un paysage qui semble fait pour la méditation. Les fresques du XVe siècle qui ornent les murs racontent la légende du poète : on y voit Pétrarque lisant, rêvant, ou recevant la visite de Laure, devenue figure céleste. Dans une pièce sombre repose son fauteuil, presque une relique, et un encrier qui semble attendre le retour du maître. C’est là, en 1374, qu’il s’éteignit, entouré de ses livres — dans cette maison qui, aujourd’hui encore, semble respirer le silence attentif de la poésie.



Une fresque représentant le poète italien

Ce jeudi 30 octobre au matin, la pluie tombait sans relâche sur Arquà, et le brouillard noyait les collines — comme si le paysage voulait lui aussi parler le langage de Pétrarque. La maison, qui n’a rien d’un palais mais est déjà une belle demeure sur deux niveaux, semblait attendre le visiteur dans une paix ancienne, un calme automnal. Sous cette lumière grise, les fresques prenaient une douceur mélancolique, les pièces sentaient la pierre humide et le bois ancien. On imagine sans mal le poète marchant ici, entre deux phrases, ou levant les yeux vers ces collines à moitié effacées dans le brouillard. La visite, sous ce ciel d’automne, un jour de peu d’affluence, avait quelque chose d’intime, presque confidentiel : on entrait moins dans un musée que dans les pas d’un grand homme. En ressortant, j’ai eu le sentiment que cette pluie sur Arquà prolongeait la musique du Canzoniere — celle d’un amour, d’une voix, et d’un silence qui continuent, malgré tout, de ne pas se taire.


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