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Charnier

Texte personnel

C'est du sang. Sur tes mains, c'est du sang. Sur ton manteau blanc, c'est du sang. Tu essaies d'essuyer, mais ça part pas. Tu voudrais pas que ça se voie, mais plus tu frottes, plus ça suinte, ça coule. Tu en as de partout, du sang. C'est une grande tache rouge qui se répand. Personne ne croit à tes histoires de coulis de framboise. On voit bien que tu as des taches de sang. On voit bien que tu as essayé de les dissimuler. Mais tu en mets sur tout ce que tu touches. Tu voudrais que ça passe inaperçu, mais plus tu essaies d'effacer, plus ça apparaît avec évidence. Tu as du sang sur les mains. Tu as des comptes à rendre. Tu en as de partout. Ça suinte de tous les côtés. Tout saigne. Le sang dégouline. Il coule dans les rainures. Il se forme des mares, des ruisseaux. Il y en a de partout. Tu as beau essayer de les canaliser, ça déborde, ça jaillit, ça fait de grosses gerbes. Tu es assis au sommet d'une montagne de sang. Tu arraches tes vêtements ensanglantés, mais tu en as partout sur ta peau. Tu frottes, tu grattes jusqu'à te faire mal, mais ça ne part pas. Tu portes la faute sur toi, tu ne peux pas faire croire le contraire. Tu es coupable. Tu es complice. Tu n'as pas rien à voir avec tout ce sang. Avec tous ces cris. Les fondations de ta maison sont un charnier. Ton confort est bâti sur du sang. Ta voiture roule avec du sang. Ton téléphone se recharge avec du sang. Tu essaies de ne pas le voir. Tu délocalises la souffrance à l'autre bout du monde. Tu sous-traites l'esclavage très loin. Tu ne peux pas faire autrement, tu as du sang sur les mains, tu as beau te débattre, ça éclabousse dans tous les sens, tu en as de partout, où que tu ailles, où que tu te débattes, où que tu coures. Tu finis, épuisé, par t'arrêter de courir. Tu te recroquevilles sur toi-même. Tu fais la seule chose à faire. Tu acceptes, et tu demandes pardon.
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