C’est un livre singulier que je voudrais présenter aujourd’hui. Un livre de poésie, mais qui relate une aventure insolite. Un pari un peu fou, celui de relier Nice et Clermont-Ferrand à vélo. Un livre écrit à quatre mains, par Ariel Osvaldo Tonello pour les poèmes, et par Marcel « Fotocello » Louchard pour les photos. Un livre qui n’a pour l’instant qu’une existence virtuelle, puis qu’il a été conçu sur le principe du « crowdfunding ». Interview de l’auteur, mon ami Ariel Tonello, membre comme moi du PoëtBuro.
Littérature Portes Ouvertes : Un livre de poésie basé sur un exploit sportif, ce n’est pas banal. Comment est née l’idée de ce livre ?
Ariel Osvaldo Tonello : En 2021, Marcel « Fotocello » et moi avons assisté à un événement poétique où l’on présentait un livre qui avait des images et des poèmes, et nous nous sommes dit que nous pourrions faire pareil, ou mieux ! C’était juste une parole en l’air, mais c’est resté dans ma tête…
Ensuite, je suis parti à vélo à Clermont-Ferrand avec cette idée. En rentrant, j’ai écrit juste dix poèmes, en sachant que, étant étranger, je ne peux pas me permettre quelque chose de trop complexe en langue française pour le moment. Et j’ai envoyé ces poèmes à Marcel et je lui ai dit : « Maintenant tu dois trouver les images ! »
L.P.O.: Ce livre est tout autant un livre de photographies qu’un livre de poésie. L’image n’est pas simplement une illustration, il s’agit d’un vrai « livre de dialogue ». Comment s’est fait ce dialogue ?
Marcel « Fotocello » Louchard : Au fur et à mesure que je lisais les poèmes, instinctivement les images sortaient de ma tête et de ma photothèque. Et parfois c’était une évidence qu’une photo se correspondait à un vers, à un extrait… On a mélangé parfois ces images-là avec les images du voyage d’Ariel et ainsi s’est créé le livre.
Ariel : Je voudrais rajouter que ce livre est la consécration d’un dialogue entre images et poésie qui a commencé en 2020 avant que je rencontre Fotocello dans la vraie vie et qu’il ne devienne mon copain.
LPO: Tu as fait le choix d’écrire en français, qui n’est pas ta langue maternelle. Que peux-tu dire sur ce choix? Est-ce que tu écris aussi en espagnol? Est-ce que tu utilises les deux langues de façon différente? Quels sont pour toi les charmes de l’une et de l’autre?
Ariel : En fait, j’écris en espagnol, en anglais et en français. Très rarement, je l’ai fait aussi en italien. Le critère est la personne qui va lire ce que j’écris. Quand c’est pour un hispanophone, j’écris en espagnol, par exemple. Puisque j’habite en France, c’est évident qu’il faut écrire en français ! Ou en provençal, mais pour le moment cela reste compliqué pour moi. Utiliser les langues de façon différente… En fait, en espagnol, je ne réfléchis pas du tout, les mots sortent comme de longs flots. Le français est un grand défi pour moi. Et j’essaie de m’améliorer. Cependant, il reste toujours plus intéressant pour moi d’écrire en français ou en anglais (notamment en anglais), car c’est un exercice et le résultat est toujours plus… rempli de figures de style, de rimes et de musicalité. C’est plus amusant comme processus, alors qu’en espagnol, il n’y a pas d’effort et, à vrai dire, je ne sais pas trop ce que l’on peut faire avec ma langue maternelle de sympa, alors qu’en anglais, j’adore jouer avec les mots ; et en français on connaît tous et toutes le charme des homophones, par exemple.
LPO: Je voudrais aussi t’interroger sur ton parcours personnel. Qu’est-ce qui t’a amené à la poésie ? Qu’est-ce qui t’a fait désirer en écrire? Quelle a été ta première rencontre décisive avec la poésie? Est-ce que l’école a eu un rôle?
Je pourrais répondre en évoquant les planètes de mon thème astral, mais on ne va pas comprendre la réponse. En tout cas, je pense que l’art et la poésie sont le but de mon existence, de ce que je suis venu faire dans cette vie. Quand j’avais 10 ans, j’ai écrit mon premier poème. Et à présent j’écris absolument tout le temps. Il y a eu un moment où je me suis arrêté d’écrire, entre mes 20 et mes 23 ans, mais ensuite j’ai repris avec beaucoup plus d’intensité. Et ce également quand j’ai terminé ma relation précédente en 2019 et aussi quand j’ai commencé à faire des études… en lettres en 2018. Pour l’anecdote, quand j’ai déménagé à Nice, le hasard de la vie a fait que je me suis retrouvé à cinq minutes de la faculté de lettres… Tu vois ? C’était la destinée. À présent, d’ailleurs, je considère l’art comme ma mission dans la vie.
LPO : Impossible de ne pas t’interroger aussi sur ton parcours sportif. Je crois que tu pratiques le triathlon, le cyclisme… Depuis combien de temps fais tu du sport de façon intensive? Combien/comment t’entraînes-tu ? Qu’est-ce que, selon toi, le sport peut apporter à la poésie ?
Oh quelle question difficile ! À présent je suis blessé de tous les côtés ! Sachant que quand j’étais petit je haïssais le sport de toutes mes forces (sauf la natation, qui faisait son chemin vers mon coeur petit à petit, le long des années et de façon irrégulière)… Quand je suis arrivé à Nice, c’était une période extrêmement sombre pour moi, mais j’ai décidé de mettre fin à ces ténèbres et j’ai vécu cette période-là comme un printemps de l’âme… J’ai commencé à écouter de la musique à nouveau, à lire, et je me suis mis à courir et à nager. Puis je me suis inscrit dans une compétition (c’était juste un kilomètre dans la mer), ensuite une autre, et ensuite j’ai terminé presque par hasard dans un triathlon, ça c’était le 7 janvier 2017… Tiens ! Je profite pour préciser : non je ne suis pas du tout cycliste ! Le cyclisme est le sport que je maitrise le moins !!! En septembre 2021, je me suis inscrit au Nice Triathlon Club et eux ils sont de vrais sportifs, et de vrais cyclistes ; pas moi !
Comment je m’entraîne : avant je faisais à peu près ce que je ressentais, notamment selon l’objectif… Puis je me suis rendu compte qu’il fallait que j’améliore ma technique ; en 2019 je me suis inscrit dans une compétition de 10 km de natation et j’ai abandonné. J’étais le dernier et bien loin (je suis toujours dans les derniers, attention), donc je me suis inscrit en natation chez les G.A.I.S. Puis j’ai voulu faire un Ironman complet et j’ai changé de club en 2021. Petit à petit j’apprends sur la technique, notamment grâce à mon club. Peut-être ce qui me manque de mon ignorance d’auparavant est que maintenant tout est un peu prédictible : tu entraînes ceci et cela, le résultat exact sera ça et ça…
Du coup pourquoi le vélo, n’est-ce pas ? C’est ma copine italienne Marialuisa qui m’a fait découvrir le cyclotourisme en 2019. Je l’ai accompagnée jusqu’à Perpignan à vélo. Elle passait par Nice depuis Bergame pour aller à Saint-Jacques-de-Compostelle. Mais mon vélo s’est cassé à Sète… Encore une belle histoire que j’espère pouvoir raconter un jour.
À présent, je guéris une tendinite, donc je reprends très doucement la course à pied. Je ne fais pas de vélo pour le moment mais je reprendrai quand j’aurai fini le semestre à la fac en tant qu’étudiant. Pour l’instant, je nage, assez intensément depuis quelques semaines, car j’ai quelques courses assez longues à venir…
LPO: Parle-nous de ce projet qui vient de voir le jour. Comment parlerais-tu de ton livre pour donner aux gens envie de l’acheter? Peux-tu aussi expliquer comment se le procurer?
Pour le moment, on ne peut que le précommander ici : https://cutt.ly/d5OiSlU. Franchement, nous sommes très contents car le recueil est l’ensemble de plusieurs arts différents : le shibari et la photographie, l’exploit sportif et la poésie, l’exploit linguistique aussi bien sûr ! Et c’est clair que l’amour également : c’est notre bébé à Fotocello et à moi ! Donc nous voulons que tout le monde le découvre, tellement nous sommes des papas fiers ! Dans deux mois, il sera disponible dans les librairies.

LPO: D’autres projets en cours ou futurs à évoquer ?
Ouh là, j’ai vraiment envie de réussir dans ce premier projet, car il faut que j’explique ce qui s’est passé pour moi dans le sport l’année après Clermont-Ferrand. J’ai développé une phobie au vélo (ce n’est pas une blague : je montais sur mon vélo, puis sur mon scooter, et je bloquais complètement, c’était un cauchemar), du coup c’est une suite particulièrement sombre… En tout cas, malgré la phobie, j’ai réussi à aller jusqu’à Sitges à vélo. En 2022. Tu vois ? Je ne suis pas un sportif, et pas du tout un cycliste, je suis un artiste et un gros malade, c’est tout. Un autre projet qui est en gestation est une exposition des photos de Fotocello qu’il veut mélanger encore à quelques-uns de mes vers (cette fois-ci aussi en espagnol !)
Un poème extrait du recueil
Midi à Vernoux-en-Vivarais
Le Rhône déjà derrière moi
Et déjà soixante-dix bornes parcourues
Hélas le soleil est resté chauffer les Azuréens
Tout au loin
Derrière
Lui aussi
À sa place je ne trouve nulle part
Le temps d’été qui était prévu !
Mais plutôt le trio d’Érinyes
Ennemies des projets estivaux
Se dévoile
Et l’une après l’autre
Elles déversent sur moi des souffrances
Et des tortures
Ariel : Je vous invite également à découvrir les conversations au vent, notamment quand je le slamme ! Ah ! Et d’ailleurs, là il y a un très bel exemple de comment on peut jouer avec les mots en anglais car une partie de ces conversations est dans cette langue…

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5 commentaires sur « Poésie à bicyclette : le livre d’Ariel Tonello et Marcel Louchard »