Paix de la nuit

Et sur tout cela je voudrais que tombe la nuit, qu’elle fasse le sommeil des choses et des êtres, qu’elle enveloppe de son édredon sombre les formes et les couleurs, et que peu à peu cela s’estompe. Ô Nuit, nous invoquons ta douce protection, à l’heure incertaine où croît l’ombre, et où tout glisse dans ta molle enveloppe. Voici venu le temps où la feuille se fige, où l’oiseau interrompt son chant, où s’endort même la bise, comme le soupir d’un enfant. Voici que les couleurs troublées de nos coeurs blessés se dissolvent dans le même bleu profond, voici que les pensées naguère agitées se déposent dans le silence de la maison. Et la nuit efface peu à peu les contours des choses, les frontières des êtres, et tout s’enfonce dans la nuit, dans notre mère la nuit, retournant à l’unité première. Il n’y a plus de bruit, il n’y a plus de souci, il n’y a plus que la nuit, en laquelle tout se fond, tout sommeille et s’apaise.

Nous nous souviendrions cependant du jour, de ses lumières, de ses cris, nous nous souviendrions de l’amour, de nos prières, de nos envies, de nos doutes, de nos peurs, de nos malheurs et de nos soucis. Mais, baignés dans la douceur de la nuit, ils ne susciteraient plus aucune inquiétude, comme s’ils ne nous concernaient plus, comme s’ils étaient arrivés à un autre, désormais perçus depuis un plus vaste point de vue, ramenés à leur véritable nature, simples remous superficiels dans l’océan immobile.

Et au-dessus de tout cela, tout en haut, planerait un sourire, une joie presque perceptible, un baume entre les choses, comme un acquiescement, comme un remerciement, dans la paix de la nuit.

Mercredi 1er novembre 2023


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9 commentaires sur « Paix de la nuit »

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