Littérature Portes Ouvertes a 9 ans

Neuf ans. Le temps passe. Trop vite, bien sûr, forcément trop vite. Mais il s’en est passé, des choses, en neuf ans. Près de 1500 articles de blog, tout de même. Plus de 2,6 millions de vues, pour 1,7 million de visiteurs uniques. Nous devrions logiquement atteindre les trois millions cette année. Ce qui n’est pas si mal, pour un blog qui parle avant tout de poésie.

Est-ce que, avec tout cela, j’ai encore des choses à dire ? Mais oui, ce n’est pas du tout un problème. J’ai plus d’une centaine de brouillons en attente dans l’arrière-boutique de ce blog. Et une pile à lire qui s’épaissit dans ma bibliothèque. Je voudrais vous parler de Michaël Glück, de Raphaël Monticelli, d’Hervé Micolet, de Carole Mesrobian, entre autres, dont j’ai acquis les livres l’été dernier à Aiglun. Je voudrais vous parler du recueil insolite de mon ami Ariel Tonello. Tout récemment, j’ai reçu le dernier recueil de Michèle Finck, et j’ai tellement aimé les précédents que je suis sûr que je me régalerai à le lire, et à l’étudier. Il faudra aussi que je présente les invités du Festival Poët Poët 2024…

Lire de la poésie prend du temps, surtout quand on veut rendre compte de sa lecture. Bien sûr, le format de l’article de blog est plus libre que celui d’un article universitaire. Malgré tout, un poème ne se livre pas forcément à la première lecture, il mérite un regard attentif. L’acte de lecture n’est pas du tout le même que pour un roman. Un roman, on peut se contenter de le résumer, c’est déjà en soi une forme de compte-rendu. La poésie, ça ne se résume pas. Ça se médite, ça se goûte à petites doses, ça se décante l’intérieur de nous.

Surtout qu’une tendance apparaît de plus en plus, qui est que les poètes aujourd’hui publient moins des recueils de poèmes indépendants que des livres de poésie qui constituent un tout. On peut moins qu’avant se contenter de piocher un poème et le lire indépendamment des autres. Il y a toute une architecture. Parfois, le livre de poésie est comme un seul long poème. Il faut du temps pour pénétrer cet univers, en comprendre la géographie, se familiariser avec ses rivages, ses golfes, ses baies, ses presqu’îles, percevoir comment tout cela s’agence et joue de concert.

Et puis, vous le savez, j’aspire aussi à écrire de la poésie, et pas seulement à en lire. Vous êtes d’ailleurs les premiers lecteurs de mes poèmes, vous en avez la primeur, petits veinards que vous êtes. Les scènes ouvertes me permettent de les proférer à voix haute, ce qui est un test formidable. Et ensuite, peu à peu, construire un recueil. Mon premier recueil, Concordance, a reçu un accueil très favorable. Je ne m’attendais pas du tout, quelques semaines à peine après sa parution, à être invité à le présenter lors d’un forum international en ligne, et je remercie la poète Emanuela Rizzo pour son invitation. Cet été, à Aiglun, l’accueil a aussi été très chaleureux, et j’ai pu écouler davantage d’exemplaires qu’escompté : merci à Patrick Quillier et Hoda Hili pour leur confiance et leur amitié, et à tous les participants pour leur bienveillance et leur intérêt.

Évidemment, écrire aussi prend du temps, cela va sans dire. Mais c’est un temps précieux. Il est très peu d’activités, dans la vie, qui nécessitent autant, non seulement de réflexion, mais de compréhension de soi, d’introspection, de méditation. Mettre des mots sur ce que l’on ressent profondément, être disponible à ce qui est, ne pas se contenter de phrases toutes faites, mais être vraiment présent aux choses, aux êtres, aux ressentis, et trouver ensuite les mots justes pour en rendre compte. Écrire de la poésie n’est pas un loisir parmi d’autres, mais une activité essentielle pour moi. Et, évidemment, je manque de temps pour cela.

Ajoutez-y l’immensité du travail d’un enseignant, un travail d’autant plus frustrant qu’il n’est jamais terminé, et où il est rare que l’on soit vraiment satisfait. Un travail qui requiert évidemment bien plus que les vingt-sept heures de présence hebdomadaires, et qui empiète largement sur les week-ends et sur les vacances scolaires. Ce qui me passionne dans ce travail, c’est la créativité qu’il exige à chaque instant. Concevoir des séances, réfléchir à la meilleure façon de présenter les choses, pour que les élèves apprennent et comprennent. Il n’y a pas deux journées qui se ressemblent.

Enfin, si j’ai l’impression de manquer de temps, c’est que je ressens le besoin pressant de vraiment vivre, enfin vivre, sans me sentir ligoté par la peur, vivre et déployer mes ailes multicolores. Explorer, découvrir, ressentir, aimer surtout ! Une impression d’urgence, née du constat de l’âge avançant, et l’impression de, spectateur plus qu’acteur, n’avoir fait que quelques pas timides, de n’avoir montré qu’une toute petite partie de mon potentiel, de ne m’être avancé qu’à reculons dans le grand théâtre de la vie.

Un premier pas, un grand pas, a été fait, avec cette décision, en 2018, d’assumer pleinement qui je suis. J’ai écrit, récemment, un poème, sur ce jour-là. Ce que l’on appelle le coming out. Il aura quand même fallu plus de trente ans. Mieux vaut tard que jamais. Commencer, à trente ans, ce que la plupart font à seize. Maladroitement, au début, et bien mal à l’aise. Avec l’impression d’être un handicapé de l’amour. Puis s’enhardissant peu à peu. Gagnant confiance. En soi, en la vie. Se faire à cette idée-là. Quelques rencontres, désastreuses pour la plupart, mais riches d’apprentissages. Se faire un groupe d’amis. Espérer, toujours. Et puis oser en parler. Publiquement. Y compris sur scène, devant une centaine de personnes. Comprendre que cela a tout à voir avec la poésie. Que le poème doit aussi dire cela. Pas seulement de façon personnelle. Il ne s’agit pas de mon petit moi. Écrire aussi pour Lucas, 13 ans, poussé au suicide à force d’être harcelé, pour Laura Ann Carlton, la soixantaine, assassinée pour un drapeau arc-en-ciel devant sa boutique, et pour tous les autres. Dire aussi les regards de travers, les sourires moqueurs, les airs de dégoût, simplement pour avoir donné la main à un mec. De tout cela, faire un livre. Pas un livre sombre, cependant. Affaire à suivre.

Oui, il s’en est passé, des choses, en neuf ans. En janvier 2015, je soutenais ma thèse de doctorat, à l’âge de vingt-sept ans. Le 14 février 2015, j’écrivais mon premier article de blog. En avril, je passais le CRPE. En septembre 2015, je découvrais mes premiers élèves, une classe de CE1/CE2. Ils ont aujourd’hui seize ans ! Il y a eu, dans ma famille, plusieurs décès, un mariage, une naissance. Et bien sûr, comme tout le monde, cette rupture inimaginable, sur laquelle il faudra revenir, la crise sanitaire et le confinement. Oui, il s’en est passé des choses, en neuf ans, et ce blog a accompagné tout cela. Parmi vous, certains me lisent depuis le début, avec une merveilleuse fidélité. D’autres sont de passage. À tous, je vous le dis : l’aventure ne fait que commencer !


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7 commentaires sur « Littérature Portes Ouvertes a 9 ans »

  1. Quelle belle confiance qui est faite ici de raconter ainsi ces neufs années , bien sûr, du blog mais aussi de la vie! Je l’ai découvert au fil des années, moi aussi, on donne tout dans nos chroniques et elles disent tellement plus que les mots quand ils parlent de nous !
    Bel anniversaire 🍾

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  2. Joyeux anniversaire à ce blog et à vous qui êtes derrière tout ce partage ! Merci pour toute cette régularité au fil des mois, des découvertes que j’ai faites , vos commentaires si détaillés et bien plus. Je vous souhaite le meilleur pour la suite. Isabelle

    Aimé par 1 personne

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