Les réseaux sociaux s’enflamment aujourd’hui à propos d’une question posée aux évaluations nationales de 4e en mathématiques, relayée par le journal Libération. Je voudrais ici donner un point de vue plus modéré sur la question, qui n’est que l’opinion d’un professeur des écoles.
Je n’ai pas pu lire directement l’article du journal Libération, dans la mesure où celui-ci est payant. En revanche, j’ai pu lire les très nombreux commentaires publiés ici ou là sur les réseaux sociaux, qui m’ont donné envie de présenter ici une opinion un peu plus nuancée sur la question.
Voici donc la fameuse question qui a tant fait couler d’encre :

Cette question est-elle trop facile ? La réponse est évidemment oui. Dès le cours préparatoire, voire parfois en maternelle, les élèves sont exposés aux différents types possibles de problèmes, incluant les problèmes multiplicatifs. Il n’est évidemment pas nécessaire de connaître les règles de la proportionnalité pour déduire implicitement, par la seule connaissance de la multiplication ou de l’addition réitérée, le fait que 5 kg de fraises valent 5 fois plus cher qu’un seul kilo de fraises à 2 €, et que par conséquent l’on paiera 10 €. Ce type d’exercice est tout à fait de l’ordre de ce que je peux demander à mes élèves de cours préparatoire, et à fortiori à mes CE1 ou mes CM1 auxquels j’enseigne cette année.
Dès lors, les réseaux sociaux se sont enflammés, et ont tôt fait d’affirmer qu’il n’y aurait plus aucune exigence à l’école. Et on assiste à un déferlement de commentaires qui hurlent contre la faiblesse des attentes.
Or, les questions « trop faciles » ont un intérêt, puisqu’elles permettent de détecter les élèves qui sont en décalage total avec ce qui est attendu. C’est le but des évaluations nationales standardisées. Il y a des questions qui sont beaucoup plus faciles que ce qui est fait en classe, d’autres encore qui sont plus difficiles, d’autres encore qui ne sont pas plus difficiles, mais qui sont présentées de manière inhabituelle.
Pour ma part, j’ai fait passer des évaluations nationales en CP, en CE1 et en CM1. Il y a des questions qui sont faciles, et d’autres qui sont à mon sens très difficiles pour des élèves qui sortent de maternelle et qui ne sont habitués ni aux efforts de longue durée, ni au support cahier, ni à la présentation très standardisée des exercices. Je suis convaincu qu’en proposant les mêmes questions sous la forme d’ateliers de maternelle (temps court, groupes réduits, insistance sur la manipulation, habillage ludique, étayage fort d’un adulte), on obtiendrait des résultats sensiblement meilleurs.
Le grand public ne sait pas forcément ce que sont les évaluations nationales. Ce sont des évaluations diagnostiques, faites en début d’année, qui ne correspondent pas à ce qui est travaillé en classe, et dont l’intérêt est essentiellement de permettre de faire des statistiques. Les professeurs font remonter les réponses des élèves en les entrant dans un serveur informatique (au collège, il arrive fréquemment que les élèves travaillent directement sur ordinateur). On peut ainsi, par exemple, à l’échelle nationale, mesurer l’écart de niveau entre les établissements en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire, ou entre les garçons et les filles, ou encore savoir quels sont les domaines et sous-domaines où les élèves rencontrent le plus de difficultés.
Des élèves de 4e qui se seront trompés à cette première question, il y en aura évidemment très peu. Mais il est important de pouvoir détecter ces élèves-là, afin de pouvoir répondre à leurs besoins spécifiques. Il peut s’agir de handicaps divers (dyscalculie, dyslexie, ou d’autres troubles encore), de raisons extérieures à la scolarité proprement dite (familiales, psychologiques…), d’enfants allophones, etc.
Certes, une détection en 4e est à mon sens trop tardive, car on peut supposer que l’enfant a connu auparavant des années de souffrance scolaire. Mais il faut rappeler que les évaluations nationales standardisées existent dès le CP, et surtout qu’elles ne sont qu’un seul élément d’évaluation parmi de nombreux autres. Les professeurs sont des professionnels qui savent juger du niveau de leurs élèves. Les évaluations nationales permettent simplement de les comparer à la moyenne de tous les élèves du pays, ce qui n’est pas sans intérêt.
Alors, est-ce que la première question des évaluations nationales était trop facile ? Oui. Est-ce forcément une mauvaise chose ? Non. Il est important de pouvoir détecter les élèves en décalage total avec les attendus. Ce qui est triste, c’est qu’hélas il reste des élèves qui, malgré toutes les aides apportées, les différenciations, les adaptations, les suivis spécialisés, ne réussissent pas à l’école…
J’espère que cette réaction à chaud vous aura intéressés. Le débat peut se poursuivre dans l’espace des commentaires, pourvu qu’il soit courtois !
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