Dire non à la noirceur du monde

Je crois que nous en ressentons tous le besoin. Nous ne le formulerions pas tous de la même manière, mais nous le sentons tous confusément. Il y a quelque chose de noir dans l’atmosphère. Des énergies négatives. Quelque chose de vicié, qui s’immisce dans les relations humaines, qui perturbe les sociétés, qui envenime jusqu’aux Etats. Face à cette noirceur du monde, il est urgent de dire non. Et la poésie peut avoir son rôle à jouer dans cette résistance.

Un événement international en ligne

Grâce à Marilyne Bertoncini, présidente de l’association Embarquement poétique, et à Ariel Tonello, membre de l’association, un événement poétique a eu lieu sur les réseaux sociaux, rassemblant des poètes de pays différents. Ces « Muses de novembre » ont permis de réunir Julia Gader, qui représentait la Pologne, Gili Haimovich (Israël), Ariel Tonello (Argentine), Mapson (RDC) et moi-même, qui représentais la France.

L’association Embarquement poétique existe depuis trois ans, prenant la suite des « Jeudi des mots », qui eux-mêmes prennent le relais de rencontres plus informelles qui existent depuis des années. Présidée par Marilyne Bertoncini, cette association propose un rendez-vous mensuel le troisième vendredi de chaque mois, mais aussi des rencontres virtuelles, et des éditions d’anthologies.

Gili Haimovich (Israël)

Poétesse israélo-canadienne née en 1974, Gili Haimovich écrit en hébreu et en anglais une œuvre à la fois intime et universelle. Vivant entre Tel-Aviv et Toronto, elle fait dialoguer deux langues, deux cultures et deux sensibilités, explorant les thèmes de l’identité, de l’exil, du corps et du lien entre les êtres. Ses recueils — dont Promised Lands (2020) — mêlent une écriture dépouillée à une grande puissance émotionnelle, où chaque image devient un espace de passage entre le personnel et le politique. Traductrice et thérapeute en arts expressifs, elle considère la poésie comme une forme de guérison et de résistance. Lauréate de plusieurs prix internationaux, traduite dans plus de trente langues, elle incarne une voix féminine forte et lucide de la poésie contemporaine israélienne. Dans la rencontre de Embarquement poétique, ses textes sur la guerre et la compassion, empreints d’une tendresse inquiète, rappellent combien la poésie peut encore dire la vérité du monde sans renoncer à l’espoir.

Julia Gader (Pologne)

Julia Gader est une poétesse et traductrice polonaise de la jeune génération, écrivant en polonais et en anglais. Lors de cette rencontre, elle a lu trois poèmes, Paradoxical Theory of Change, Queen X et Lover is Sower, d’abord en polonais puis en anglais, offrant ainsi un accès à un public international. Ses textes, écrits au cours de l’année précédente, explorent les thèmes du changement, de l’identité et de la manière dont l’être humain préserve son humanité dans un monde instable. Son écriture se distingue par un équilibre subtil entre fragilité et force, entre intimité et dimension collective. La lecture de Julia Gader a été saluée pour sa précision et son honnêteté émotionnelle, apportant une voix claire et sensible depuis la Pologne, en résonance avec la thématique de la rencontre, qui mêlait poésie, résistance et lumière face aux ténèbres du monde.

Mapson (RDC)

Mapson, né le 12 avril 1991 à Bhutano, dans l’est de la République démocratique du Congo, est un poète et slameur engagé. Auteur du recueil Noir publié en 2018, il est également connu pour ses albums de slam Catharsis et Later parus en 2025. Fondateur en 2013 de The Demo, il est devenu une figure majeure de la scène littéraire de la région du Nord-Kivu. Sa poésie, à la fois personnelle et collective, véhicule des messages puissants de résilience, d’humanisme, de paix et de solidarité, tout en explorant les défis et les beautés de son environnement social et culturel. Lors de l’événement en ligne, il a lu plusieurs textes ponctués de musique, illustrant son approche performative et sonore de la poésie.

Ariel Tonello (Argentine)

Orchestrateur avec Marilyne Bertoncini de ces « Muses de Novembre », Ariel Tonello est surtout un poète, auteur de Les Monstres sous le lit, récit fantastique et initiatique d’un voyage à vélo, accompagné des images oniriques de Fotocello. Enseignant, traducteur, il est actuellement doctorant en création littéraire à l’Université de Nice, sous la direction de Béatrice Bonhomme. Il a représenté l’Argentine, son pays d’origine, pour cette rencontre en ligne.

Gabriel Grossi (France)

J’ai eu la chance de clore ces rencontres en ligne par quelques lectures de mon recueil Du Néon aux Etoiles, qui se prête bien à la thématique « Non à la noirceur du monde », puisque l’objet même de ce livre est de lutter contre la violence homophobe. Ce livre commence par des textes durs mais nécessaires, qui disent cette violence et son horreur, et se poursuit en déclinant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, pour aller vers la lumière.

*

Ce qui unissait les poètes venus d’Israël, de Pologne, du Congo, d’Argentine et de France lors de cette rencontre, c’était d’abord une même conscience d’un monde blessé et une foi commune dans la poésie comme manière de résister à la violence. Chacun, depuis sa langue et son histoire, faisait dialoguer l’intime et le collectif : la guerre, l’exil, la perte ou la différence s’y mêlaient à des images d’amour, de dignité et de fraternité. Dans cette polyphonie de voix et de langues, la poésie apparaissait comme un refuge et une lumière, capable de recréer du lien entre les peuples et d’affirmer, face à la barbarie, la persistance de l’humain.


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Un commentaire sur « Dire non à la noirceur du monde »

  1. «  Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie : l’hésitation d’avril, l’odeur du pain à l’aube, les opinions d’une femme sur les hommes, les écrits d’Eschyle, le commencement de l’amour , l’herbe sur une pierre, des mères debout sur un filet de flûte et la peur qu’inspire le souvenir aux conquérants. »
    M. Darwich, «  La Terre nous est étroite »

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