Un an de conjugaison au CE1

La conjugaison, dans la langue française, est particulièrement difficile, parce qu’elle repose sur l’apprentissage de désinences verbales souvent muettes. Les enfants ne peuvent donc pas s’appuyer sur leurs connaissances implicites issues de leur maîtrise de la langue orale parlée. Savoir orthographier des formes verbales est donc une compétence qui demande un gros effort de mémorisation, et qui ne peut s’acquérir que par la fréquentation assidue des formes écrites, de façon presque quotidienne, en variant les supports (situations de découverte, exercices de réinvestissement, chronotests, dictées, productions d’écrits).

Français oral et français écrit

Cette difficulté a une cause : l’altération progressive de la langue latine pour donner l’ancien français puis le français moderne. Si vous étudiez la phonétique historique du français, vous apprenez que ce sont les syllabes finales qui sont le plus enclines à subir des modifications. Pas de bol : les syllabes finales sont très importantes, puisqu’elles sont porteuses des désinences de la conjugaison. C’est la raison pour laquelle la langue orale a perdu la prononciation de nombreuses désinences, qui ne sont marquées qu’à l’écrit. Les élèves ne peuvent donc s’appuyer sur leur connaissance de la langue orale parlée, et découvrent en conjugaison un univers nouveau.

Prenons l’exemple du verbe parler au présent simple de l’indicatif : je parle, tu parles, il parle, nous parlons, vous parlez, ils parlent. Il y a six formes écrites, mais seulement trois formes orales. On retrouve [parl] aux trois personnes du singulier et à la troisième personne du pluriel. Les finales -ons et -ez, aux deux premières personnes du pluriel, comportent des lettres muettes. Il n’y a donc rien de facile, alors que les petits Italiens, par exemple, peuvent s’appuyer sur leur connaissance de l’oral : parlo, parli, parla, parliamo, parlate, parlano. La langue italienne possède six formes différentes, qu’il suffit de savoir prononcer pour savoir écrire, au point qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire le pronom personnel devant le verbe, puisque la forme verbale en elle-même, y compris à l’oral, permet d’identifier la personne.

Si la phonétique historique et l’histoire de la grammaire vous intéressent, sachez que vous pourrez trouver des articles spécifiques sur le sujet dans ce blog :

Un œil sur les nouveaux programmes 2025

Comme vous ne l’ignorez sans doute pas, de nouveaux programmes sont parus à la rentrée 2025, en particulier pour ce qui concerne l’enseignement du français, des mathématiques. La conjugaison est incluse dans le sous-domaine de l’orthographe grammaticale. Pour ma part, je maintiens un créneau spécifiquement nommé « conjugaison » dans mon emploi du temps, précisément pour la raison indiquée ci-dessus, à savoir qu’il s’agit d’un apprentissage complexe pour des enfants de CE1, qui nécessite qu’on y revienne presque quotidiennement, et que les enfants mettent du sens sur des apprentissages qu’il s’agit ensuite de mémoriser.

Ma progression annuelle

Ces nouveaux programmes n’imposent pas que je modifie substantiellement la progression annuelle que j’avais déjà construite pour les anciens programmes, et je me sers de cette trame générale, avec quelques adaptations, pour cette année. Voici, donc, une progression actualisée qui reprend les termes des nouveaux programmes.

► Progression annuelle à télécharger [à créer]

Je ne commence pas la conjugaison dès la première période au CE1, car plusieurs prérequis doivent d’abord être consolidés. Les élèves doivent savoir ce qu’est une phrase, et avoir un moyen aisé d’identifier le verbe dans une phrase, à savoir mettre la phrase à la forme négative. En période 1, je fais donc deux grosses séances de grammaire par semaine, et je n’introduis la conjugaison qu’à partir de la période 2. Mes séances de conjugaison sont des séances de grammaire, en ce qu’elles ne se limitent pas à la mémorisation-récitation de désinences, mais j’utilise un créneau spécifique pour la conjugaison, tant il y a à faire dans ce domaine. Ces compétences préalables assurent une entrée plus solide dans la conjugaison proprement dite, fondée sur le sens et l’observation, plutôt que sur la simple mémorisation de terminaisons.

Dans mon emploi du temps, j’ai un temps d’étude de la langue le matin, pendant que mes CP travaillent avec la méthode de lecture Codéo. Je donne la consigne aux CE1, je les laisse faire leurs découvertes en autonomie, et je fais la mise en commun avec eux. J’ai ensuite un nouveau temps d’étude de la langue l’après-midi, qui permet de travailler davantage le réinvestissement, cette fois-ci plutôt sous la forme d’ateliers autonomes, sur des notions vues pendant la semaine (cela évite de ne faire orthographe, grammaire, conjugaison, vocabulaire qu’une seule fois par semaine).

Période 1 – Septembre-Octobre

Sur le créneau grammairesur le créneau conjugaison
• G1 : Qu’est-ce qu’une phrase ?
• G2 : Les types de phrases
• G3 : La transformation négative
Pas encore de séances de conjugaison : je fais deux fois grammaire dans la semaine. Voir l’article La grammaire au CE1

Période 2 – Novembre-Décembre

Sur le créneau grammairesur le créneau conjugaison
• G4 : Identifier le verbe (entre ne et pas)
• G4b : Découvrir les pronoms personnels
• G5 : Distinguer groupe sujet et groupe verbal
• C1 : Distinguer infinitif et forme conjuguée
• C2 : Distinguer radical et terminaison
• C3 : Donner l’infinitif d’une forme conjuguée

Rappel : toutes les séquences de grammaire sont détaillées, clefs en mains, dans l’article intitulé « La grammaire au CE1 ».

C1 : Distinguer infinitif et forme conjuguée

Vous trouverez ci-dessous une séquence complète, incluant découverte, entraînement, approfondissement et évaluation, sur la distinction entre infinitif et forme conjuguée. La séance de découverte permet de s’approprier la notion en manipulant des étiquettes. Les séances d’entraînement et d’approfondissement proposent des tâches différentes (surligner, relier, cocher, trier…) pour favoriser la mémorisation. Des corrigés sont systématiquement proposés.

C2 : Distinguer radical et terminaison

Vous trouverez ci-dessous une séquence complète, incluant découverte, entraînement, approfondissement et évaluation, sur la distinction entre radical et terminaison. Celle-ci est un préalable indispensable à l’entrée en conjugaison.

C3 : Donner l’infinitif d’une forme conjuguée

Cette séquence de conjugaison suit une logique claire et progressive : elle commence par une phase de découverte où les élèves observent le lien entre forme conjuguée, radical et infinitif, à partir d’exemples simples et visuels, en s’aidant des personnages créés par LutinBazar. Viennent ensuite des activités d’entraînement différenciées : un « chronotest » à trois niveaux pour renforcer l’automatisation et la rapidité d’identification, puis une fiche d’approfondissement en deux niveaux, où les élèves travaillent à partir d’un texte narratif riche et contextualisé. Le niveau 1 propose un repérage guidé et explicite, tandis que le niveau 2 invite à une autonomie accrue par la recherche des verbes. La séquence allie ainsi observation, manipulation et réinvestissement, tout en favorisant la différenciation pédagogique et la consolidation du sens grammatical par le lien constant entre lecture et grammaire.

Période 3 – Janvier-Février

C4 : identifier les régularités de la conjugaison

Cette quatrième séquence vise à identifier les régularités de la conjugaison. Elle débute par une séance de découverte qui se présente comme une séance de recherche, individuellement ou par groupes. Elle constitue une activité de recherche libre plutôt qu’un apprentissage direct. Il s’agit d’une activité « ouverte » où les élèves reçoivent des étiquettes à découper puis à trier sans consignes précises, ce qui laisse place à l’exploration. Les étiquettes contiennent des verbes conjugués précédés de pronoms personnels : les élèves les organisent en « familles » selon différents critères non précisés (pronom, radical, terminaison…). Par exemple, certains élèves ont trié par pronom (« elle », « tu », « vous »…), d’autres par radical (famille de « parler », de « chuchoter »…) ou par terminaison (« -z », « -ons »…). Un élève est même parti d’un classement « singulier vs pluriel » (je, tu, il/elle vs nous, vous, ils/elles), inattendu mais pertinent. L’étape suivante consiste à inviter les élèves à observer les résultats de leur tri, à comparer leurs démarches et à dégager eux-mêmes des régularités (par exemple : « quand le pronom est nous, le verbe finit par -ons »). L’intérêt de cette approche est de mettre l’élève en posture de chercheur, actif plutôt que passif, ce qui favorise la motivation et la mémorisation. L’activité est adaptée à des débutants puisqu’il n’y a pas une seule « bonne » solution ; l’erreur ou la variante sont acceptées, l’essentiel étant la démarche. Toutefois, cette séance de découverte ne suffit pas à elle seule à assurer l’acquisition de la conjugaison : il faudra ensuite des exercices plus traditionnels et une lecture régulière pour rencontrer les formes verbales.

Lien vers un article présentant la situation de découverte

Pour la suite de la séquence, je m’inspire d’une proposition de Nathalie Leblanc, conseillère pédagogique départementale en français. Il s’agit de travailler à partir de bandelettes pour découvrir des désinences finales identiques (les bandelettes permettent d’aligner les verbes sur leur droite et donc de mettre en évidence des désinences identiques). Elle propose de travailler dans cet ordre : P6 puis P4-P5 puis P2 puis P3 puis P1.

La démarche : Il s’agit de faire trouver des verbes dans un bref texte, que les élèves écrivent dans des cases, comme dans des mots croisés. Les mots sont ensuite collés en les alignant sur la droite, de manière à mettre en évidence les régularités des terminaisons. Cette démarche est innovante en ce qu’elle procède par personne plutôt que par temps verbal. On apprend ainsi simultanément le présent, le futur et l’imparfait, en se focalisant sur ce qu’ils ont de commun, à savoir des désinences ressemblantes, et sur ce qui les sépare (en particulier les voyelles de l’imparfait AI et I, et la consonne du futur R).

Lien vers un article présentant les bandelettes de la conjugaison

La notion de « conjugaison horizontale » : on commence par découvrir les similitudes de chaque personne (le -ons se retrouve à plein de temps, etc.). Une fois la conjugaison horizontale bien acquise, on rebalaie toute la conjugaison en vertical. Les enfants ont ainsi parcouru le programme deux fois, dans les deux sens.


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