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Citation du dimanche : Jean-Yves Masson

Fils du silence et de la nuit aux multiples vertiges,
je ressuscite mon passé d'entre les songes, je trace
un chemin d'ombre où je ne me reconnais pas encore.

J'ai peiné, cheminé longtemps sur la route,
j'aperçois le pays splendide du sommeil
où règne la déesse sans partage, à l'aurore de la parole.

Et je sais maintenant qu'à force de former des songes
la liberté conquiert sa force et sa vigueur,
au mépris des dogmes, des peurs, pour que le libre amour triomphe.
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Paix de la nuit

Et sur tout cela je voudrais que tombe la nuit, qu’elle fasse le sommeil des choses et des êtres, qu’elle enveloppe de son édredon sombre les formes et les couleurs, et que peu à peu cela s’estompe. Ô Nuit, nous invoquons ta douce protection, à l’heure incertaine où croît l’ombre, et où tout glisse dans ta molle enveloppe. Voici venu le temps où la feuille se fige, où l’oiseau interrompt son chant, où s’endort même la bise, comme le soupir d’un enfant. Voici que les couleurs troublées de nos coeurs blessés se dissolvent dans le même bleu profond, voici que les pensées naguère agitées se déposent dans le silence de la maison. Et la nuit efface peu à peu les contours des choses, les frontières des êtres, et tout s’enfonce dans la nuit, dans notre mère la nuit, retournant à l’unité première. Il n’y a plus de bruit, il n’y a plus de souci, il n’y a plus que la nuit, en laquelle tout se fond, tout sommeille et s’apaise.

Nous nous souviendrions cependant du jour, de ses lumières, de ses cris, nous nous souviendrions de l’amour, de nos prières, de nos envies, de nos doutes, de nos peurs, de nos malheurs et de nos soucis. Mais, baignés dans la douceur de la nuit, ils ne susciteraient plus aucune inquiétude, comme s’ils ne nous concernaient plus, comme s’ils étaient arrivés à un autre, désormais perçus depuis un plus vaste point de vue, ramenés à leur véritable nature, simples remous superficiels dans l’océan immobile.

Et au-dessus de tout cela, tout en haut, planerait un sourire, une joie presque perceptible, un baume entre les choses, comme un acquiescement, comme un remerciement, dans la paix de la nuit.

Mercredi 1er novembre 2023

Connaissez-vous Hoda Hili?

Née en 1983, Hoda Hili vit à Aiglun (06) où elle écrit et cultive le safran. C’est dans les montagnes du moyen-pays niçois, au contact avec la terre, que se rêve et se pense une poésie qui n’a rien oublié d’une enfance vécue entre Franche-Comté et Maroc, ni des années de formation philosophique. Elle a publié son premier recueil cette année aux éditions Maelström, en Belgique, dans la collection « Bookleg » qui, grâce à ses prix modiques (3 €), permet à la poésie de se diffuser. L’ouvrage est composé de deux ensembles, Nuits diphoniques et Contre-espaces.

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Les Nocturnes de « Jeudidesmots.com »

Le 21 mars 2023, aux premiers jours du printemps, le site Internet « Jeudidesmots.com » a ouvert une anthologie en ligne sur le thème « Nocturnes ». L’appel à textes, mais aussi à images, sons et vidéos, est ouvert à tous, jusqu’au 1er juin. C’est avec plaisir que je relaie cette belle initiative.

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La nuit de Charles Péguy

Charles Péguy est un poète français qui se situe à la charnière des XIXe et XXe siècles. Il est surtout connu pour l’inscription de sa poésie dans une inspiration chrétienne et mystique. Le poème que je vous propose de découvrir aujourd’hui relève de cette inspiration religieuse, puisque le poète fait parler Dieu. Ce poème s’intitule Le Porche du Mystère de la Deuxième Vertu. Dans l’extrait de cette prosopopée qui va suivre, Dieu s’adresse à la Nuit, qu’il appelle sa fille.

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Connaissez-vous Pernette du Guillet ?

Cela faisait longtemps que je n’avais pas consacré d’article au seizième siècle. C’est pourquoi je vous propose de découvrir aujourd’hui une poétesse méconnue. De la vie de Pernette du Guillet, on ne sait pas grand-chose, sinon qu’elle mourut fort jeune, et qu’elle fut le grand amour, sans doute platonique, de Maurice Scève, malgré son mariage avec le sieur du Guillet.

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« Décembre » de François Coppée

François Coppée, membre de l’Académie française ainsi que de plusieurs académies régionales des sciences et des lettres, connut le succès de son vivant. Wikipédia parle à juste titre à son endroit de « poète populaire ». S’il ne vaut pas, à mon sens, un Rimbaud ou un Verlaine, ses poèmes méritent malgré tout d’être lus. Je vous propose aujourd’hui un poème de saison, précisément intitulé « Décembre ».

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« Les mots crèvent au ras de ma peau […] D’un côté il fait mal ; de l’autre, il fait nuit ; entre les deux, une hélice tourne dans le ventre, et l’air reflue vers ma bouche… »

Bernard Noël, Extraits du corps, 1958.
Cité d’après le Dictionnaire des grandes œuvres
de la littérature française, Le Robert,
sous la direction de Henri Mitterrand.

Quand les rumeurs du jour se sont assagies

Texte personnel

Quand les rumeurs du jour se sont assagies, que se sont tues les clameurs des hommes, quand les derniers rayons se sont éteints, que les flots du jour sont taris, à l’heure tardive des grillons et des lucioles, rien ne bouge. Assis face à la nuit, avant les grands songes du sommeil, nous respirons. À la lune qui s’élève, nous adressons un sourire. Nous respectons l’immobilité des premières étoiles, dans le ciel encore clair et teinté des rougeurs du couchant. Nous nous enveloppons lentement de nos lourdes couvertures, cessant tout mouvement, dénouant le cours de nos pensées. Nous nous baignons dans le silence comme en une mer. Allongés sur le dos, nous devenons cette vastitude même de la mer, dans le dénuement d’un abandon. Peu importent alors les murmures qui nous parviennent encore, les vrombissements lointains ne sont plus que de discrets rappels de ce monde qui nous entoure et continue de tourner comme il doit le faire. Nous consentons à ce que tout ne soit pas parfait, à ce que tout ne possède pas l’équilibre sphérique des grands astres, à ce que tout ne soit encore pleinement serein. Voici cependant que peu à peu, à mesure que le souffle ralentit, la paix s’installe.

Gabriel Grossi,
mercredi 23 mai 2018.

O nuit, ô ma fille la Nuit, toi qui sais te taire, ô ma fille au beau manteau.
Toi qui verses le repos et l’oubli. Toi qui verses le baume, et le silence, et l’ombre
O ma Nuit étoilée je t’ai créée la première.
Toi qui endors, toi qui ensevelis déjà dans une Ombre éternelle
Toutes mes créatures
Les plus inquiètes, le cheval fougueux, la fourmi laborieuse,
Et l’homme ce monstre d’inquiétude.
Nuit qui réussis à endormir l’homme
Ce puits d’inquiétude.
A lui seul plus inquiet que toute la création ensemble.
L’homme, ce puits d’inquiétude.

Charles Péguy, Le porche de la deuxième vertu,
cité d’après Wikisource (texte numérisé non encore vérifié).

Le poème d’à côté (2) : Paul Verlaine

Je vous citais récemment la « Chanson d’automne » de Verlaine, qui est l’un de ses plus célèbres poèmes. Profitons-en pour découvrir aujourd’hui le poème d’à côté, c’est à dire « l’heure du Berger »…

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« J’aime que le papillon de nuit fasse preuve d’un souverain mépris à l’égard de nos occupations savantes et choisisse de vivre à l’heure frileuse où les hommes ronflent sur le dos pour la plus grande joie des étoiles moqueuses et de la mort. »

Jean-Michel Maulpoix, La Parole est fragile,
Manier-Mellinette, Imprimerie de Cheyne, Le Chambon sur Lignon, 1981, III-1, p. 27.